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Un garçon de France

Un garçon de France

Titel: Un garçon de France
Autoren: Pascal Sevran
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parlait de nous : « La nuit dernière à Montmartre, la devanture d’un bar louche, autrefois fréquenté par des artistes de théâtre et de music-hall, a été endommagée de peinture au sigle de l’O.A.S.
    La personnalité du nouveau propriétaire de “La Maison rose”, ses origines pieds-noirs et ses relations dans les milieux d’extrême droite expliquent ce geste d’intimidation que la police semble prendre au sérieux. »
    — Un bar louche ! putain de sa mère, celui-là, je vais lui faire avaler son micro.
    Fou de rage, le gros Samyr tapait sur le bar et ses mains moites laissaient des marques sur l’acajou que je venais de cirer.
    — C’est un complot, on veut me couler… Alors que je travaille pour la France. Ah ! les ordures…
    Soudain découragé, il s’affala dans un fauteuil et, les yeux dans le vague, murmura comme pour lui-même : « Je ne reverrai pas El Biar », puis s’adressant à moi, il me demanda de ne rien dire à Mado.
    — Tu peux pas comprendre, fils, mais c’est un peu à cause d’elle que je me suis engagé dans ces combines…
    Aurais-je dû m’attendrir devant ce pacha pleurnichard ? Non, j’avais d’autres occasions de m’émouvoir.
    Roger réfléchissait déjà à son tiercé du lendemain. J’ai enfilé ma veste bordeaux, et fixé mon nœud papillon avec le sentiment que c’était pour la dernière fois ici.
    Un couple est entré, se tenant pas la main, elle plus jeune que lui ; des provinciaux intimidés. En découvrant la salle vide, ils eurent un mouvement de recul, mais n’osèrent pas repartir.
    Hormis ces deux-là, il ne vint aucun client de passage, ni le moindre habitué. La rue était calme et le policier en faction ne jugea pas nécessaire de prolonger plus avant son service.
    — Je suis au commissariat, place Dancourt, s’il y a quelque chose à signaler, vous n’aurez qu’à téléphoner.
    Heureusement, M. Mathias et sa bande sont arrivés, peu après, les poches bien garnies au cas où…
    Le gros Samyr, qui les attendait avec impatience, s’est précipité à leur rencontre. Un conseil de guerre allait se tenir sous le regard inquiet d’un couple d’amoureux, venu là pour danser. On leur avait promis que Montmartre, c’était tout l’esprit de Paris. Pour l’amour et les cotillons, ils tombaient plutôt mal.
    Plus sûr de lui que jamais, M. Mathias claqua dans ses doigts pour me réclamer du feu, puis il retint ma main dans la sienne sous prétexte de fixer la flamme et sans que son visage trahisse l’inquiétude me dit à l’oreille :
    — Tu fais un métier dangereux, mon petit chou, mais ne tremble pas, je suis là maintenant.
    Le pianiste des Folies-Bergère joua Ramona comme d’habitude et personne n’aurait pu imaginer que cet air-là berçait la fin d’un monde.

XXVI
    C’était à Gennevilliers dans une rue sombre, baptisée par dérision, sans doute : impasse de la Mer.
    Oui, il y a un port à Gennevilliers mais les marins de là-bas ne prennent jamais le large, ils travaillent à quai à décharger des péniches que seuls les poètes, rares dans la région, peuvent confondre avec des paquebots. Les eaux noires de la Seine semblent servir de miroir au ciel, bas en hiver. Ce soir-là justement, les grues métalliques et les cheminées d’usine accrochaient les nuages et rien ne laissait deviner qu’il pouvait faire beau ici quelquefois.
    L’impasse de la Mer donnait sur un terrain vague qui figurait les flots bleus, et qu’on appelait : la Plaine. Les enfants y jouaient aux cow-boys et aux Indiens à cheval sur des palissades de bois.
    Je parle d’un temps béni quand les départements n’étaient pas encore numérotés, qu’il fallait partir tôt le matin et changer plusieurs fois d’autobus pour aller d’Arcueil à Gennevilliers, où se trouvait installée la Compagnie du Cercle d’or, théâtre et mime.
    C’est M lle  Longin, la couturière de la rue de la Grange-Batelière, qui m’avait donné le nom de l’acteur que ma mère suivait, paraît-il.
    Elle m’avait prévenu : si Maria Luisa est vraiment repartie avec ce zozo, alors elle est perdue… la pauvre : il l’aura envoûtée, il est pas bête et il a du baratin, mais le théâtre et la politique le rendent fou… Je pensais à sa recommandation, en cherchant la Compagnie du Cercle d’or.
    — Ne te laisse pas avoir au charme, il en a…
    J’avais mis quelques semaines avant de repérer dans un guide officiel des spectacles
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