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Un garçon de France

Un garçon de France

Titel: Un garçon de France
Autoren: Pascal Sevran
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dis-je, un jour elle restera coincée…
    Mado ne put s’empêcher de sourire. Elle avait entendu cent fois son père faire la même promesse et ne jamais la tenir.
    — Non, Laurent, ne te donne pas cette peine, c’est comme la véranda, finalement je ne la ferai pas réparer, je l’ai toujours connue ainsi.
    Déjà, quand elle rentrait de l’école, le grincement du fer rouillé signalait son retour au chien de la maison qui fonçait aussitôt se jeter dans ses jambes, alors, bien sûr, Mado n’était pas pressée que l’on bouscule l’ordre des choses de sa vie. Fût-ce avec quelques gouttes d’huile aux jointures d’une vieille grille de jardin.
    — C’est peut-être l’âge, me dit-elle, mais je m’en fous…
    — Ne dis pas de bêtises, Mado ! Ce n’est pas l’âge. J’ai vingt et un ans et je suis comme toi, d’ailleurs tu vas remettre ton maillot de miss et je vais prendre des photos.
    — D’accord, mais tu me promets de les garder pour nous et de me raconter ce que l’astrologue t’a appris sur ta mère.
    Mado craignait qu’il y ait bientôt une femme de trop entre nous. Je n’étais pas certain moi-même de résister à l’épreuve, le pavillon d’Arcueil était un nid où j’aimais venir reprendre mes forces, et pourtant j’allais partir.
    Quand je me souviens de ce soir-là, c’est d’abord la lumière douce de la lampe de salon que je revois. Pepa l’avait laissée allumée, sachant que nous allions rentrer vite. Nous nous sommes réfugiés autour de ce halo bleuté, sur des poufs de faux cuir ramenés du Maroc en d’autres temps par le parrain de Mado, et nous avons écouté la pluie taper sur la vitre. Un divertissement plutôt réservé aux amoureux, mais qu’étions-nous ?
    Dans cette pièce où Mado se tenait le plus souvent, il n’y avait pas un coin qui ne soit encombré de journaux classés, de documents divers, de factures et de papiers officiels, sans compter les coussins et les disques.
    Le désordre de Mado n’était qu’en apparence et je me disais que finalement on ne sait rien, jamais, de personne.
    Ceux qui, peut-être, se demandaient ce que devenait Miss Alger 1933, auraient été surpris de la savoir là, attentive à un jeune homme, prête à vieillir tranquille.
    Elle s’est levée mettre un disque, toujours le même, des Platters. Je ne me lassais pas de la regarder marcher ; dans la pénombre, elle semblait danser. Mais sans doute que je me trompais aussi.
    — Allez, va enfiler ton maillot, dis-je… Il faut que j’essaye mon flash.
    — Je croyais que tu plaisantais, Laurent, ce n’est ni l’heure ni la saison, tu trouveras des filles qui t’inspireront plus que moi.
    — Non ! Je veux toi et maintenant…
    J’avais parlé sec comme les séducteurs de cinéma et Mado n’a pas résisté longtemps. En la voyant monter l’escalier de sa chambre, j’ai été fier de moi. Un instant.
    Nous avons poussé les meubles du salon, rajouté un peu d’éclairage, et Mado, allongée sur le canapé, a pris pour moi des poses avantageuses. Si quelqu’un nous avait surpris, on imagine ce qu’il aurait pensé.
    Tandis que je tentais de faire fonctionner mon appareil photo, Mado me faisait rire en imitant les femmes-enfants à la façon hollywoodienne.
    — Tire les rideaux, me dit-elle, on nous voit de la rue.
    — Et alors, quelle importance ? Je veux que le monde entier sache que M lle  Mado Moreau est une star… Tu vas même sortir sous la pluie en maillot, je vais prendre une photo étonnante.
    -Tu as bu, Laurent, tu oublies que je ne suis pas Lana Turner et que mes photos n’intéressent personne.
    Non, je n’avais pas bu, mais je voulais être fou, étonner Mado, la sortir d’elle-même, lui rendre l’éclatant sourire de ses photos d’avant, l’obliger à être belle sous le crépitement des flashes…
    Accroupi à ses pieds, allongé à même le sol, assis sur le dos d’une chaise, j’ai joué mon rôle. Elle, le sien.
    Et nous avons dîné d’une tranche de gigot froid et de salade d’endives qui restaient du déjeuner.
    En finissant une bouteille de vin rosé, nous avons parlé de l’astrologue qui ressemblait à mon père.
    Mado, qui connaissait la vie, m’assura que les femmes vont toujours vers le même type d’hommes.
    La pluie n’avait pas cessé de tomber. Je suis monté me coucher le premier.
    Mado voulait préparer du café, et ranger des papiers.
    Quand j’ai fermé les volets de ma chambre, j’ai vu
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