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Sang Royal

Sang Royal

Titel: Sang Royal
Autoren: Christopher John Sansom
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1.
    IL FAISAIT SOMBRE SOUS LES ARBRES, seul un maigre clair de lune traversait les branches à demi nues, et il était difficile de dire si nous chevauchions toujours sur la route, l’épais tapis de feuilles mortes assourdissant le bruit des sabots. « Quelle piste abominable ! » s’était exclamé Barak un peu plus tôt, vitupérant à nouveau cette terre barbare et sauvage où je l’avais entraîné. J’étais trop fatigué pour répliquer. Mon pauvre dos me faisait mal et mes jambes, enserrées dans de lourdes bottes de cavalier, étaient ankylosées et dures comme du bois. De surcroît, l’étrange mission que j’étais sur le point d’entreprendre m’angoissait et pesait sur mon esprit. Les rênes dans une main, je plongeai l’autre dans ma poche, afin de palper comme un talisman le sceau de l’archevêque Cranmer. Je me rappelais sa promesse : « Ce sera une opération assez aisée, exempte de péril. »
    J’avais en outre laissé de graves soucis derrière moi, ayant six jours plus tôt enterré mon père à Lichfield. Depuis cinq jours, Barak et moi avancions péniblement en direction du nord sur des routes dans un état déplorable après l’été pluvieux de 1541. Nous avions atteint des régions isolées où de nombreux villages se composaient encore de vieilles habitations d’une seule pièce, des cahutes de torchis au toit de chaume dans lesquelles s’entassaient les hommes et le bétail. Cet après-midi-là nous quittâmes la grand-route du nord à Flaxby. Barak voulait qu’on s’arrête dans une auberge pour prendre un peu de repos mais j’avais insisté pour qu’on poursuive notre chemin, dussions-nous chevaucher toute la nuit. Je lui rappelai que nous étions en retard, que le lendemain nous serions le 12 septembre et qu’il nous fallait parvenir à destination bien avant l’arrivée du roi.
    Nous avions quitté le bourbier qui nous servait de route à la tombée de la nuit pour un chemin plus sec qui se dirigeait vers le nord-est, au travers des bosquets denses et des prés ras où des porcs fouillaient du groin les chaumes jaunis.
    Les bois étaient devenus des forêts et depuis des heures nous avancions avec moult précautions. Lorsque nous avions perdu la piste principale nous avions eu un mal fou à la retrouver dans le noir. Le profond silence n’était brisé que par le bruissement des feuilles sur le sol et le craquement des broussailles au moment où un sanglier ou un chat sauvage détalaient à notre approche. Les chevaux, chargés des sacoches qui contenaient nos vêtements et autres effets, étaient aussi fourbus que Barak et moi. Je sentais la fatigue de Genesis, ma monture, et Sukey, la fougueuse jument de Barak, se contentait de suivre l’allure lente de mon cheval.
    « On est perdus, bougonna-t-il.
    — À l’auberge, on nous a dit de longer le chemin principal à travers la forêt en direction du sud. De toute façon, l’aurore va sans doute bientôt se lever. Et alors on verra bien où l’on se trouve.
    — J’ai l’impression d’avoir chevauché jusqu’en Écosse, grommela Barak d’un ton las. Je ne serais pas surpris qu’on nous prenne en otages pour réclamer une rançon. » Fatigué de ses récriminations, je demeurai bouche bée et nous continuâmes en silence notre pénible route.
    Je me remémorai l’enterrement de mon père la semaine précédente… Le petit groupe autour de la tombe, le cercueil au fond de la fosse, ma cousine Bess, qui l’avait trouvé mort dans son lit quand elle lui avait apporté à manger.
    « Je regrette de ne pas avoir su à quel point il était malade, lui avais-je dit sur le chemin du retour à la ferme, après la cérémonie. C’est moi qui aurais dû m’occuper de lui.
    — Tu habitais loin, à Londres, et ça faisait plus d’une année qu’on ne t’avait pas vu, avait-elle répondu en secouant la tête, le regard accusateur.
    — J’ai, moi aussi, traversé une période difficile, Bess. Mais je serais venu.
    — C’est la mort du vieux William Poer, à l’automne, qui l’a achevé. Ces dernières années, ils avaient lutté ensemble pour tirer quelque profit de la ferme, après il a semblé abandonner la partie », avait-elle soupiré. Elle s’était tue un instant, avant de poursuivre : « Je lui ai conseillé de prendre contact avec toi mais il a refusé. Dieu nous envoie de dures épreuves. La sécheresse, l’été dernier, et les inondations cette année… Je pense qu’il
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