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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur
Autoren: Robert Margerit
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crier dans les couloirs : « Aux armes ! » Dehors, des tambours battirent, des roulements de canons et de caissons secouèrent le plancher. Du coup, quelques députés de la majorité changèrent d’avis. « Préservez le peuple d’un horrible égarement ! s’écrièrent-ils. Sauvez vos collègues en décrétant leur arrestation provisoire.
    — Non, non, protesta, au centre, Larevellière-Lépeaux, un peu bossu, avec son grand nez. Pas de faiblesse ! Nous partagerons tous leur sort. »
    Claude, après avoir consulté Danton qui consentit d’un signe, se leva et dit : « Le rapport du Comité de Salut public sera présenté dans une demi-heure. La Convention pourra sans plus attendre se prononcer sur les Vingt-deux. » Les tribunes accueillirent ces mots par des applaudissements. La nouvelle vola. Quand les neuf, sortant pour gagner le pavillon de Flore, traversèrent la foule qui remplissait la salle de la Liberté, la chapelle, ils furent salués de vivats et de bravos. Ils passèrent par l’extérieur pour se rendre compte de la situation. La manœuvre prévue achevait de s’accomplir. L’artillerie et les bataillons sans-culottes, quittant leurs retraites, renforcés par un escadron de gendarmes, avaient investi entièrement la place. Hanriot faisait braquer des canons sur toutes les issues des Tuileries. Danton, Delacroix et Claude allèrent à lui. « Prends bien garde, lui recommanda Claude, que des coups ne partent.
    — Sois tranquille, citoyen, les mèches sont allumées, mais il n’y a rien dans les pièces, ni de cartouches dans les fusils.
    — C’est bon, dit Danton, va ton train. »
    Claude, voyant, chez lui, au balcon de la salle à manger, Lise entre Gabrielle et Claudine, s’avança pour leur signaler du geste que tout marchait pour le mieux, puis il rejoignit ses collègues. Ils n’allèrent pas dans leur salon, mais dans un des petits cabinets, muni d’un dressoir avec de la nourriture toujours prête pour eux sous des cloches. Ils prirent des assiettes garnies et mangèrent tout en délibérant. Seul, Claude soutenait la pétition de Marat. Il fallait suspendre les Brissotins et les assigner à résidence dans Paris. Au contraire, le reste du Comité s’accorda sur une motion insignifiante que Barère, rapporteur, fut chargé de présenter. À midi trois quarts, ils rentraient dans la salle des séances. Le dantoniste Levasseur venait de monter à la tribune après plusieurs orateurs modérés. « On nous demande, dit-il, l’arrestation provisoire de nos collègues pour les garantir des fureurs du peuple. Je prétends, moi, qu’on doit arrêter définitivement les Vingt-deux s’ils l’ont mérité. Or ils le méritent, et je vais le prouver. » Dans un long discours, il énuméra les fautes imputées aux Girondins. « Innocents ou coupables, conclut-il, ils n’en sont pas moins suspects, ils doivent donc être arrêtés et jugés par la Convention. » Sous son apparente sévérité, cette surenchère cachait une intention dilatoire : décrétés comme l’avait été maintes fois Marat, les Vingt-deux ne seraient jamais mis en jugement. Levasseur fut fort applaudi par les citoyennes des tribunes, qui ne discernaient pas le tour.
    « Tu connaissais l’idée de Levasseur ? demanda à Danton Claude soupçonneux.
    — Non, et je le regrette. Je vous l’aurais proposée, elle est meilleure que la nôtre.
    — Il faut le dire à Barère », fit Delacroix.
    Trop tard. Toujours empressé de paraître, il se hâtait de prendre place à la tribune. « Le Comité, annonça-t-il, n’a eu le temps d’éclaircir aucun fait, d’entendre aucun témoin. En conséquence, il ne croit pas pouvoir recommander l’arrestation, mais, vu l’état politique et moral de la Convention, il a pensé qu’il devait s’adresser au patriotisme des Vingt-deux et demander leur suspension volontaire, seule mesure capable de mettre fin aux divisions qui épuisent la république et de lui épargner une crise funeste. »
    Isnard s’avança aussitôt. « Dès que l’on met en balance le sort d’un homme et celui de la patrie, dit-il, je penche toujours pour la patrie. Je renonce donc à mes fonctions. Je ne veux d’autre sauvegarde que celle du peuple. »
    Quoi ! Isnard, le furieux Isnard, se suspendait de lui-même ! D’abord stupéfaites, les tribunes éclatèrent en applaudissements. Les premiers municipaux de 89, les créateurs de la Commune parisienne : l’évêque
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