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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur
Autoren: Robert Margerit
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sortir pour aller se mettre « au milieu de la force armée, qui, sans doute, la protégera ».
    Étrange façon de répliquer à la menace de cette même force armée ! Cependant les girondistes, les modérés quittaient leurs bancs et se formaient en cortège devant la porte. « Il faut y aller, dit Danton.
    — Parbleu ! » fit Claude.
    Il monta d’une travée pour parler à Robespierre et Saint-Just. « Nous ne devons pas, leur dit-il, laisser une partie de la Convention affronter des canons, même s’ils ne sont point chargés. Je ne sais ce que l’on a en tête, mais il faut sortir avec les autres. » Couthon, Legendre, Le Bas, l’approuvèrent. Et, bien que les Jacobins des tribunes, tout à côté, leur criassent : « C’est un piège où des traîtres veulent conduire les patriotes, vous serez égorgés par les bataillons girondistes », Saint-Just se leva. « Allons ! » fit-il. Maximilien et son frère suivirent. L’athlétique Delacroix enleva Couthon pour l’installer dans son fauteuil roulant. Toute la Montagne descendit. Hérault-Séchelles, qui remplaçait à la présidence Mallarmé aphone, prit la tête du cortège. Les huissiers le précédèrent, ouvrirent la porte à deux battants, les sentinelles présentèrent les armes. Dans la salle de la Liberté, la chapelle, le vestibule aux colonnes, la foule livrait passage en criant : « Vive la Convention ! » mais aussi : « Livrez les Vingt-deux ! » Les mêmes cris accompagnèrent les députés marchant en masse avec Hérault vers le Carrousel où un état-major empanaché de tricolore entourait Hanriot. L’aspect de la force était saisissant. Partout, sur le front de la place, des baïonnettes, des rangs de chevaux, des canons en batterie. Il y avait même les fourneaux et les grils à rougir les boulets. Ils ne pouvaient servir pratiquement, ici, néanmoins ils ajoutaient à l’impression.
    Lise, toujours au balcon avec sa belle-sœur et Claudine auxquelles s’était jointe la grosse Margot, regardait avec angoisse les représentants, et son mari parmi eux, s’avancer vers ce front redoutable. Hérault-Séchelles, grand, beau, majestueux, avec, en plus du sautoir, l’écharpe présidentielle en travers de la poitrine, s’arrêta devant le commandant-général et lui enjoignit de retirer les troupes. Du haut de son cheval, l’autre ne répondit que par un haussement d’épaules.
    « Hanriot, reprit Séchelles, je te somme d’obéir !
    — Je ne connais que ma consigne », répliqua le commandant. Puis, poussant des talons sa bête et se penchant sur la selle : « Tu es bon patriote, Hérault, on le sait. Tu es de la Montagne. Réponds-tu que les Vingt-deux seront livrés ?
    — Non.
    — Eh bien, nous ne bougerons pas d’ici, jusqu’à ce que le peuple soit satisfait. Il ne s’est pas levé pour écouter des discours. »
    Séchelles, se haussant de toute sa taille, lança : « Soldats, au nom de la nation et de la loi, saisissez ce rebelle ! » Pas un mouvement ne se produisit. « Tu vois ! » dit Hanriot, narquois. Il fit volter sur place son cheval, tira son sabre et, dressé sur les étriers, ordonna d’une voix de stentor : « Canonniers, à vos pièces ! »
    On l’entendit par toute la place, jusqu’au balcon où les quatre femmes poussèrent chacune à sa façon un cri horrifié. Toute la ligne s’était animée, les canonniers agitant leurs mèches pour en aviver le feu, l’infanterie croisant la baïonnette, les cavaliers mettant sabre au clair dans un froissement d’acier. Hérault-Séchelles, tiré en arrière par ses voisins, reculait. La Convention fit demi-tour, rentra dans le pavillon de l’Unité. Traversant le vestibule, elle ressortit sur la terrasse du Palais. Celle des Feuillants, celle du Bord de l’Eau étaient, comme au 10 août, occupées par des bataillons sans-culottes. « Vive la Montagne ! crièrent-ils. Purgez la Convention ! Tirez le mauvais sang ! » Les députés descendirent, passèrent entre les parterres, et, comme les royalistes du 10 août, mais sous les cris, non point sous les balles, se dirigèrent, sous les ombrages des marronniers, vers le grand bassin étincelant au soleil du soir. Comme les royalistes encore, ils virent la place de la Révolution couverte d’uniformes, le Pont-Tournant gardé, avec du canon. Ils restaient là, ne sachant que faire. Marat, coiffé de son foulard, la boucle d’or à l’oreille, survint à
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