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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur
Autoren: Robert Margerit
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point, au milieu d’une escorte de gamins.
    « Au nom du peuple, glapit-il, je vous somme de retourner aux postes que vous avez abandonnés ! »
    Si quelqu’un avait ourdi quelque secrète trame en faisant proposer cette sortie, son dessein n’aboutissait qu’au ridicule. Après avoir tout essayé pour ne point prendre une mesure nécessaire, on allait peut-être enfin accomplir ce qui l’eût été avec beaucoup plus de dignité, quelques jours plus tôt, si la Convention avait d’elle-même, en invoquant le péril extrême, suspendu purement et simplement les Brissotins. La majorité allait bien devoir s’y résoudre, à présent.
    S’adressant à elle, une fois réinstallée dans l’hémicycle, Couthon lui dit : « Vous voilà rassurés sur les dispositions du peuple. Partout, vous l’avez trouvé bon, généreux, respectueux envers ses représentants, mais indigné contre ceux qui, provoquant à la division, dressant une partie de la France contre l’autre, livrent la république sans défense aux coups des contre-révolutionnaires et de l’étranger. Je vous demande non pas un décret d’accusation contre les vingt-deux membres dénoncés, mais de décider qu’ils seront mis sous surveillance chez eux, ainsi que les Douze, les ministres Clavière et Lebrun. »
    Pour la première fois de la journée, on entendit la voix de Vergniaud, parlant négligemment, de son banc. « Donnez un verre de sang à Couthon, il a soif ! »
    La Montagne, la foule applaudissaient le paralytique. Dans la Plaine, on commençait de se dire, de travée à travée, qu’à tout prendre la mesure réclamée n’était pas bien méchante. Marat insistait de nouveau en faveur de Ducos, Dussaulx et Lanthenas. Legendre proposa de retrancher de la liste ceux qui avaient offert leur suspension. Couthon, d’excepter des Douze Fonfrède et Saint-Martin, car ils s’étaient opposés à l’arrestation de Varlet et d’Hébert. On se mit à refaire la liste, la coupant, la rallongeant. On l’arrêta enfin à un total de trente et un noms. Séchelles mit aux voix le décret. La plus grande partie du Ventre trouva encore moyen de se soustraire au vote en déclarant : « Nous ne pouvons pas prononcer, nous ne sommes pas libres. » Seuls, ses membres proches de la Montagne votèrent avec elle. Le décret fut rendu, aux acclamations des tribunes et des gradins.
    Dans un tumulte joyeux, la foule évacua ses places. Elle se hâtait de sortir pour répandre la nouvelle, fêter la victoire. En un instant, le Carrousel, les terrasses du jardin, où la nuit tombait, retentirent de vivats, de chants patriotiques, de cris d’allégresse qui venaient, après les clameurs du jour, battre les murs. Dans la salle, régnait maintenant le silence. Les lustres, les globes des grands candélabres encadrant l’estrade brillaient. L’hémicycle se vidait lentement. Les députés quittaient le champ de bataille, accablés de fatigue et, la plupart, de tristesse. Les Montagnards eux-mêmes étaient sombres. Danton en sortant secouait sa grosse tête. Maximilien avait au coin de la bouche un pli las et amer. Claude s’arrêta devant les vaincus entourés par quelques amis. En considérant la belle figure énergique de Lanjuinais, avec sa fossette au menton, il fut pris de remords pour s’être laissé aller contre lui à la colère, à de muettes injures.
    « Lanjuinais, dit-il, te souviens-tu du temps où nous travaillions ensemble dans les comités, à Versailles ? Ta présence me dispensait un grand réconfort.
    — Oui, je m’en souviens, mais pourquoi diantre me demandes-tu cela ?
    — Pour que tu comprennes. Je ne t’aime pas moins qu’alors, je suis certain de ton patriotisme, de ton dévouement à la liberté. Je t’ai combattu seulement, toi, Vergniaud et les autres, pour une obstination par laquelle vous mettez en danger la patrie.
    — Ne te soucie pas, nul de nous ne t’en veut. On connaît ta bonne foi, nous savons même que tu as fait de ton mieux pour nous ménager. Tu as agi selon ta conscience, tout comme nous.
    — Eh oui, dit Vergniaud, voilà l’horrible, mon pauvre Mounier. Tu ne doutes point de nous, nous ne doutons point de toi. Mais tu es sûr que nous agissons en ennemis de la patrie, de la Révolution, et moi je suis non moins sûr qu’à la façon dont vous agissez, toi et tes Montagnards, vous conduisez la patrie et la Révolution à leur perte.
    — L’arbitre, c’est Dieu, dit Lanjuinais, non
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