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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur
Autoren: Robert Margerit
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généreux. Dans le cas de proscrire les Brissotins, il oublie leurs injures, leurs attaques, leur dédain, et ne se souvient plus que d’une chose : ces hommes ont été ses amis. Les nôtres aussi, du reste.
    — Oui, dit Claude. Vous, les nouveaux venus, vous ne pouvez guère sentir cela. Mais nous ! Brissot, Vergniaud, Guadet, Louvet, Pétion, nous avons combattu avec eux les noirs, les Feuillants, Cazalès, Maury, La Fayette. Quand les députés de la Législative nous ont succédé, ton frère, cher Augustin, les a considérés comme l’espoir de la Révolution. J’ai encore la lettre qu’il m’écrivait alors. Brissot présidait les Jacobins, tous les Girondins étaient membres de notre société. Ils ont préparé avec nous le 10 août. Voilà les compagnons qu’il nous faut arracher de notre sein. Comment cela ne déchirerait-il pas l’âme ! »
    Ils soupaient eux aussi, à cette heure, tous ensemble pour se concerter, dans un établissement de la rue de Clichy. Ils en étaient au milieu du repas quand le tocsin, lancé du lointain beffroi de l’Hôtel de ville, fut repris par toutes les églises abritant des bureaux de section. La générale battit aussitôt dans les rues, rappelant aux postes les citoyens qui rentraient chez eux. Ces cloches, ces tambours annonçaient, évidemment, l’assaut décisif, et les convives savaient bien qu’il serait dirigé contre eux. Les uns : Pétion, Buzot, Gensonné, Isnard, voulaient se rendre à la Convention et mourir sur leurs bancs. D’autres, avec Barbaroux, brandissaient leurs armes, n’entendaient point céder sans se battre. Louvet insistait de nouveau pour que l’on s’en allât dans les départements recruter des forces, afin de revenir sur Paris pour venger la loi et la représentation nationale. « Nous devons, dit-il, chercher un asile pour cette nuit, Demain et les jours suivants, nous partirons les uns après les autres. Nous nous rejoindrons soit à Bordeaux, soit dans le Calvados si les insurgés qui s’y montrent prennent une attitude véritablement imposante. Surtout, il ne faut pas retourner à l’Assemblée, il faut éviter de demeurer en otages entre les mains de la Montagne. » Ils sortirent par petits groupes dans la nuit tombante, pleine de mouvements d’hommes, d’éclairs d’armes, de roulements de canons, de caissons, et ils se dirigèrent pour la plupart vers la Butte-des-Moulins où ils regagnèrent leur refuge chez Meilhan.
    Aux tintements du tocsin, la Convention s’était réunie. Contrairement à ce que prévoyait Claude, la séance ne dura pas. Très peu de députés vinrent, les bancs de la droite extrême restèrent vides. Après une orageuse et très brève discussion entre les modérés et la Montagne, la majorité refusa d’entendre les pétitionnaires en déclarant que, le rapport du Comité de Salut public sur les Vingt-deux devant lui être présenté sous deux jours, elle se refusait, d’ici là, à reprendre la question. Le Centre semblait s’être roidi. Aussi, en sortant, Barère allait-il de groupe en groupe, dans la salle de la Liberté, dans la ci-devant chapelle, répétant qu’il faudrait voir si la Commune de Paris représentait la France. Claude ne s’attarda pas, il s’arrêta seulement pour avertir les cinq girondistes de la Haute-Vienne de bien peser leurs opinions.
    « Eh quoi ! répliqua Lesterpt-Beauvais, les opinions ne sont-elles donc plus libres ?
    — Elles le sont assurément, mais on ne l’est point de nuire à la patrie, point d’entraîner un autre département dans la guerre civile. Bordas l’a compris. Je vous engage à suivre son exemple, et je vous préviens que Gay-Vernon, Xavier Audoin et moi-même, nous ne balancerons pas à faire le nécessaire pour que nul ne détourne la Haute-Vienne de l’unité républicaine. Je vous salue, citoyens. »
    À plusieurs reprises, pendant la nuit, il se leva pour jeter un coup d’œil sur le Carrousel. Lise aussi. On ne pouvait guère dormir. Sans cesse, des tambours se mettaient à battre, des canons roulaient. On les entendait venir par les guichets de la galerie du Louvre, par la rue Saint-Nicaise, par le Petit-Carrousel, en tressautant sur le pavé. Hanriot devait rassembler autour des Tuileries toute l’artillerie de la ville. Des torches, des feux de bivouac brûlaient, pâles sur la place et plus brillants dans les cours où l’ombre des pavillons, des toits, épaississait la claire nuit de juin. On voyait
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