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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur
Autoren: Robert Margerit
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partie l’auteur de la Déclaration des Droits, de la Constitution même. Ce travail de comité, anonyme, sans échos, ne lui valait aucune réputation.
    À sa grande surprise, ce fut l’homme aux lunettes qui se fit son panégyriste. Dans les derniers jours d’octobre, au club, comme on allait changer le président, Guillaume Dulimbert demanda la parole, et, s’excusant sur son inaptitude oratoire, lut un mémoire dans lequel il analysait avec la méticulosité d’un parfait biographe, ou d’un espion de police, la conduite du représentant Mounier-Dupré depuis l’ouverture des États généraux. Rien n’avait échappé à l’ancien bénédictin : ni l’influence de Claude sur l’Assemblée, le jour du Jeu de paume, ni sa motion, le 10 juillet, en faveur de la Commune parisienne. Et il nota qu’ainsi le député de Limoges avait été l’un des créateurs de la garde nationale. Il signala sa participation aux deux ouvrages essentiels de l’Assemblée : Déclaration des Droits, Constitution.
    « Si celle que l’on a proclamée en définitive, ajouta-t-il, n’est pas conforme aux vœux des premiers comités, on n’en saurait tenir notre compatriote pour fautif. Il a vaillamment combattu les adultérations infligées à leur œuvre. » Passant à l’action civique de Claude, il poursuivit : « Parallèlement à ses travaux parlementaires, Mounier-Dupré a montré ses vertus en jetant, avant même l’ouverture des États, les semences d’une institution sans laquelle tous les patriotes de France ne seraient point, aujourd’hui, puissamment réunis en un réseau qui couvre le pays entier. Bien avant Mirabeau, avant même Robespierre, notre frère et ami a fondé la future Société des Amis de la Constitution, avec des hommes qui, hélas, ont depuis trahi la cause du progrès et de la raison. Lorsque leur désertion a mis en péril les Jacobins, c’est encore lui qui les a relevés en conjuguant ses efforts avec ceux de Robespierre et de Pétion pour lutter contre la scission feuillantine. Et puisque l’on prononce ici les noms de ces illustres représentants, on ne peut s’empêcher d’observer que, non moins incorruptible, mais plus pur encore, Mounier-Dupré, bornant son ambition à défendre la liberté, l’égalité et la justice, n’a même pas cherché la faveur du peuple pour lequel il déployait tout son zèle. À ce dernier trait, reconnaissez le caractère d’un vrai Cincinnatus. Frères et amis, je propose, et je demande, que la présidence de notre club soit offerte à Mounier-Dupré comme un modeste tribut de notre reconnaissance, de notre admiration. »
    Claude fut élu à l’unanimité. Ce qui lui aurait promis une majorité solide pour prendre la succession de Dumas au Département, si le club n’avait, depuis septembre, perdu beaucoup de son influence avec nombre de ses membres. Là aussi, on sentait le relâchement de l’esprit révolutionnaire, une lassitude qui inclinait les gens au leurre du monarchisme. Claude pensait au mot de Barnave : « Le besoin de tranquillité est plus naturel à l’homme que le besoin de liberté », ou une phrase de ce genre. Quelle que fût la formule, on en vit bien la justesse lorsque Naurissane et ses amis écrasèrent la municipalité Nicaut avec deux cent soixante et une voix contre cent quarante-neuf. Bien entendu, Louis ne voulait point interdire à son beau-frère le poste de procureur-syndic du Département. Il l’en avait assuré, ajoutant : « Si vous y faites de la démagogie, nous vous combattrons à outrance, mon cher, je vous en avertis. »
    En attendant, Claude tâchait de prendre au sérieux ses fonctions à la présidence du club. Il y parvenait mal. C’était minable, ces réunions dans des locaux de fortune – les aménagements entrepris au couvent des Jacobins ne se terminaient pas –, et avec une assistance si réduite qu’au pire moment de la scission feuillantine, il n’avait jamais rien vu de semblable, à Paris. Il ne pouvait s’empêcher de songer avec nostalgie à la salle de la rue Saint-Honoré, où Pétion venait de rentrer, lui écrivait-il, pour se « disputer violemment avec les coquebins de la Gironde : de vrais enragés, des boutefeu qui vont nous amener la guerre ». Desmoulins était secrétaire du club. Loin de renoncer à la politique, comme il avait dit le vouloir, il venait de prononcer un discours emporté, prenant à partie, avec son génie de l’invective, les Feuillants
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