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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur
Autoren: Robert Margerit
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Danton, lui, se déclarait entièrement dégoûté des affaires publiques. Joyeux, tonitruant, plein d’histoires grivoises, il passait son temps à enrichir son logis, meubler sa cave et sa bibliothèque, à paresser au coin du feu en lisant, et à dorloter sa chère Gabrielle-Antoinette qui attendait un nouvel enfant pour bientôt. Mais, laissant ces dames à leurs confidences, retiré avec ses deux amis dans son vaste cabinet, au fond de l’appartement, il devint grave.
    « Mon bon Claude, que penses-tu de la situation ? » demanda-t-il et, sans lui laisser le temps de répondre, il poursuivit en remuant les gazettes éparses sur son grand bureau à coins de cuivre : « Cet Isnard, ses amis les députés de Bordeaux, Brissot lui-même se démènent bougrement. Ils poussent à la guerre, à l’action violente contre les menaces des émigrés et des prêtres ultra montains. Isnard, qui semble presque aussi gueulard que moi, a mis le Roi et les ministres devant leurs responsabilités. Il n’a pas craint de prononcer des paroles assez terribles. Par ce mot de responsabilité, nous entendons la mort, a-t-il dit. Oui, mon bon, ni plus ni moins ! Et tiens, ceci encore, écoute : Nous estimons que pardonner les crimes contre la nation, c’est presque les partager. Une pareille rigueur fera peut-être couler le sang, je le sais, mais si vous ne la déployez pas, n’en coulera-t-il pas plus encore ? Il faut couper la partie gangrenée pour sauver le reste du corps. Voilà. Les grandes forces sont lâchées. Et notre Camille me tarabuste pour que j’aille me fourrer dans cette tempête. T’étonneras-tu que je n’en aie point envie ? Ce Desmoulins, les mots de sang, de mort, c’est du champagne pour lui, ça lui monte à la tête. Il ne voit dans les événements que des sujets d’articles. Plus les événements sont gros, plus les articles sont amusants à écrire, hein ?
    — Parbleu ! » fit Camille en riant.
    Danton se frottait distraitement les genoux. « Tout cela est bien joli, mais on ne court pas le risque de se mettre l’Europe sur les bras quand on n’a pas de pain chez soi. Il faut un effort de sagesse.
    — Allons donc ! riposta Camille, est-ce à toi de vendre de la prudence ? Avec ta figure, ta poigne. Abandonne ça aux Feuillants et à ton ami Beugnot, ta grande dévote. »
    Et, se tournant vers Claude : « Nous voulons le sortir de son inaction, ce paresseux. La place de substitut au procureur syndic de la Commune est vacante depuis le départ de Cahier de Gerville qui a reçu le portefeuille de l’Intérieur. Nous sommes quelques-uns, aux Jacobins, qui avons décidé d’y pousser Danton.
    — Candide, va ! ricana-t-il. T’imagines-tu que ta Chandelle vous donnera sa bénédiction ? Cet homme est jaloux de moi, il fera son possible pour m’écarter.
    — Laisse donc Robespierre tranquille. De toute façon, il ne pourrait rien là contre.
    — Eh bien, dit Danton haussant les épaules, qu’on me nomme. Je verrai alors. »
    Trois jours plus tard, malgré un article de Gorsas écrivant : « La tranquillité publique exige que la candidature de Danton soit écartée », il était élu triomphalement, l’emportant de plus de cinq cents suffrages sur Collot d’Herbois.
    Peu après, leur emménagement terminé, Claude et Lise donnèrent un souper à leurs principaux amis. Les Roland étaient là. Ils venaient à leur tour de regagner Paris. Robespierre et Danton n’avaient marqué aucune répugnance à se trouver autour de la même table. Ils se firent bon visage. Maximilien parut ému de revoir la charmante Adèle Duplessis, sœur cadette de Lucile Desmoulins, dont la grâce ne semblait pas, l’année précédente, laisser insensible le cœur de l’Incorruptible. Lise pensait qu’il aurait fini par demander la main de la jeune fille si les Duplay ne l’avaient, en quelque sorte, mis sous le boisseau. À présent, il ne vivait plus chez eux. Revenu d’Arras en compagnie de sa sœur, il logeait avec elle dans un bel appartement, rue Saint-Florentin.
    Au demeurant, Danton, reparu aux Jacobins après son élection, y soutenait à l’occasion Robespierre qui combattait avec le sombre Billaud-Varenne le parti de la guerre. Comme l’avait déclaré Billaud dans un grand discours prononcé au club le 5 décembre : « Le devoir des législateurs, placés entre les conspirateurs dont le sein de l’empire est infecté et les rebelles qui investissent nos
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