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La véritable histoire d'Ernesto Guevara

La véritable histoire d'Ernesto Guevara

Titel: La véritable histoire d'Ernesto Guevara
Autoren: Rigoulot
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II
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    La Révolution comme compensation
    « Le poumon… Le poumon, vous dis-je ! »
    Molière (Le Malade imaginaire, acte III, scène X )
    G uevara passe au Panamá, au Nicaragua, au Costa Rica… Le temps des rencontres qui vont bouleverser sa vie approche.
    Deux rencontres décisives
    Un soir de la fin de l’année 1953, alors qu’il se rend au Guatemala comme des centaines de gauchistes, avec curiosité et sympathie, assister à l’émergence du « socialisme » sous l’impulsion du président Arbenz 34 , Guevara croise un homme qui va le marquer sérieusement, un vieil homme qu’il voit à peine dans la quasi-obscurité d’un village de montagne. Disons-le tout de suite : ce n’est pas Castro. Mais l’atmosphère est saisissante. Obscurité et voûte céleste étoilée. Le jeune Guevara l’écoute 35 . Comme il le reconnaît lui-même, les arguments de son interlocuteur ne sont pas neufs. Mais lui, Ernesto Guevara, est prêt à les faire siens : « L’avenir appartient aux peuples et peu à peu ou d’un seul coup, ils prendront le pouvoir, ici et dans le monde entier. Le problème est qu’ils doivent se civiliser et que cela ne peut arriver avant qu’ils aient pris le pouvoir, seulement. Ils deviendront civilisés uniquement en apprenant de leurs propres erreurs, qui seront lourdes et causeront la mort de nombreux innocents. Peut-être ne le deviendront-ils pas et ne parviendront-ils pas à l’innocence parce qu’ils auront commis cet énorme péché contre nature qui consiste à ne pas savoir s’adapter. »
    Il lui annonce ensuite qu’il mourra au combat et qu’il ne pourra jamais savoir quelle sera la valeur du sacrifice ainsi consenti.
    Discours étonnant, parfois obscur, qui tient de la prophétie et de l’analyse réaliste des fragiles perspectives de l’humanité, fantastique rencontre rapportée par Guevara lui-même, en marge de son journal de l’époque 36 . Son commentaire ne l’est pas moins car la vision tragique et un rien pessimiste de son interlocuteur enthousiasme Guevara. Il y voit même une raison de plus pour se lancer dans l’action : « En dépit de ses mots […], je sais que je serai avec le peuple, et je le sais parce que j’ai vu, inscrit dans la nuit, que moi, l’éclectique disséqueur de doctrines et le psychanalyste des dogmes, je prendrai d’assaut en hurlant comme un possédé les barricades et les tranchées, je baignerai mon arme dans le sang et en pleine folie furieuse, je trancherai la gorge de tout ennemi qui tombera entre mes mains. »
    Quel chemin de Damas ! Sans doute répondait-il à ses espérances. Sans cela, peut-on penser qu’aurait suffi une rencontre avec un homme presque invisible dans la nuit, un homme qui énonce et prophétise ? Le voilà définitivement converti à l’idée qu’il faut affronter les Ennemis les armes à la main. Quels ennemis ? Les ennemis du Peuple, on suppose. Mais qu’est-ce qu’un ennemi du Peuple, à quoi le reconnaît-on ? Il ne nous le dit pas. La question est sans doute déplacée…
    Contrairement à ce que l’on dit partout, ce n’est pas Castro qui l’a converti, ni on ne sait quel agent secret ou diplomate soviétique. Castro fera mieux, il est vrai : il s’attachera le jeune Argentin de manière indéfectible et transformera ses convictions issues de l’étrange rencontre nocturne en moteur d’action, en engagement politique. À 25 ans, sans doute, Guevara cherchait encore le « Grand esprit directeur », un homme qui lui énonce la Loi – un homme autre que son « copain de père » qui avait arrêté ses études pour de fumeuses raisons idéologiques, courait après le moindre jupon, entreprenait tout et ne réussissait rien, et qui, comme si aucune règle, aucun repère ne comptait, venait dormir chez une épouse dont il s’était séparé. Un père immature, au point qu’Ernesto le sentait parfois plus jeune que lui !
    Sa mère lui léguera sa volonté farouche, ses aspirations vagues au socialisme et son goût du désordre. Il aura avec elle une correspondance fournie. Mais le manque se situait pour Guevara du côté paternel, du côté de la Loi. C’est dans cette nuit claire comme le jour que Guevara entendit enfin la voix de l’Histoire et de sa nécessité. Et c’est dans sa rencontre avec Castro qu’il a pu ensuite la faire sienne et s’y soumettre.
    Le romantisme en moins
    En décembre 1953, il n’a pas encore rencontré Castro et quand il jure
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