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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur
Autoren: Robert Margerit
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pas vos grades en Droit ? »
    Claude continuait à le regarder avec stupeur. C’était incroyable. Guillaume Dulimbert se leva. Il n’avait plus rien de ses façons ambiguës, il parlait nettement.
    « Rien ne peut vous empêcher d’occuper ce poste où vous place la confiance de citoyens qui ont apprécié votre action à l’Assemblée. L’élection est parfaitement régulière. Soyez sans crainte, aucune voix n’a été achetée, votre beau-frère Dubon pourra vous le garantir.
    — Mais enfin, je n’ai pas seulement fait acte de candidature.
    — Cela non plus n’est point nécessaire. On a mis votre nom en avant, voilà tout, et les électeurs l’ont adopté.
    — Pourquoi le mien ? alors qu’il y a tant d’autres…
    — Parce que, trancha patiemment Dulimbert, s’il vous faut tout savoir, on vous tient pour un patriote entièrement pur, et il n’en existe pas tant. On estime que votre présence est utile sur un théâtre où l’on voit beaucoup d’acteurs énergiques mais pas assez d’hommes de fond. La Révolution doit s’accomplir jusqu’au bout, n’est-il pas vrai ? Cela ne peut se faire que par un concours général. On n’entend pas la laisser tomber aux mains des ambitieux. Il y a des incorruptibles déclarés, mais s’ils semblent bien fermés aux séductions ordinaires, ils ne sont cependant point exempts d’une certaine faiblesse. On veut que de sûrs démocrates, plus épris de liberté, d’égalité et de justice que de leur propre gloire, soient à même d’exercer leur influence. Ici, vous ne pourriez rien faire, il ne s’y passera rien. Allez donc où vos capacités serviront. Et sachez une chose : dans votre conduite, autant que votre enthousiasme et vos audaces on a aimé vos doutes, votre prudence. Voilà. Je n’ai pas davantage à vous dire, sinon ceci : vous pouvez vous récuser, vous êtes libre, et si vous acceptez vous le resterez entièrement. Votre élection n’est pas un maquignonnage. Vous ne devez rien en échange, vous ne vous inféodez à personne, vous n’aurez pas d’autre maître que le conseil de votre raison et de votre conscience. »
    Il neigeait. À la fenêtre, qui reflétait la flamme d’une lampe en cuivre, les flocons faisaient un bruit mou. Brusquement, Lise entra, venant de chez Antoinette Dumas. La présence de l’homme aux lunettes la surprit. Elle ne le connaissait point. Ici, les dames n’allaient guère au club. Claude nomma son visiteur tandis qu’il saluait et resaluait.
    « Notre frère et ami, ajouta Claude, vient de Paris et m’apprend que, par ses soins, j’ai été élu accusateur public.
    — Mais voyons, le citoyen président se moque ! protesta Dulimbert, plus patelin que jamais. Le plus modeste des serviteurs de madame n’a nulle part à cela et la prie humblement de n’en rien croire.
    — Seriez-vous seulement le porteur de cette bonne nouvelle, monsieur, vous auriez déjà droit à toute notre gratitude », dit Lise, ravie pour son mari.
    Il la regardait en souriant d’une façon un peu ironique. Le visage rosi par l’air piquant, et maintenant toute joyeuse, les dents, les yeux brillants à la clarté de la lampe, elle était ravissante. Comme elle se retournait vers Guillaume Dulimbert, ses lunettes jetèrent un éclair tandis qu’il baissait vivement les yeux.

II
    Ce fut un Paris couvert de neige que retrouvèrent Claude et Lise. Descendus d’abord chez leur beau-frère Dubon, ils y demeurèrent peu de temps. Non loin de la maison qu’ils avaient habitée, rue Saint-Nicaise, un appartement était vide. Ils le louèrent. On le repeignit pendant qu’ils faisaient venir de Limoges leur mobilier entreposé depuis deux ans à la Manufacture. La bonne Margot, qui n’avait pas de place arrêtée, fut tout heureuse de rentrer à leur service. Ainsi, à peine plus de deux mois après leur départ, ils renouaient leurs habitudes, avec la seule différence qu’ils étaient tout à fait chez eux, et installés à Paris d’une façon définitive, sans doute.
    Dès leur retour, ils avaient revu les Danton et les Desmoulins. Ceux-ci, quittant leur incommode entresol de la Cour du Commerce, habitaient maintenant plus près du Luxembourg : place du Théâtre-Français (1) . Ce qui, d’ailleurs, ne les éloignait pas des Cordeliers, ni beaucoup de chez Danton. Camille avait repris sa profession d’avocat. Il plaidait en ce moment pour les Jacobins de Marseille contre d’André, devenu Dandré.
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