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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur
Autoren: Robert Margerit
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injustes préventions, ajoutant : « On verra si les patriotes méritent les reproches qu’on leur adresse. » Tout agité, le bon jacobin Ballet venait faire part à la Société des propos du ministre, injurieux pour elle, car, il le donnait clairement à entendre, « il voulait parler ainsi des Jacobins qui désiraient la guerre dans les premiers moments et semblent aujourd’hui désirer la paix pour calomnier le gouvernement et les intentions du Roi ».
    Là-dessus, l’Auvergnat Biauzat, ancien constituant, juge au tribunal du IV e arrondissement et monarchiste notoire, affirma que la Société ne devait pas entretenir de méfiance envers les intentions du Roi. « Il n’est pas question, riposta Robespierre, de savoir si nous devons concevoir de la confiance ou de la méfiance. La question de la paix ou de la guerre est relative à nos plus chers intérêts. Je déclare, moi, que je la discuterai selon ma conscience et le sentiment de ma liberté. Quelle que soit à cet égard la manière de penser de quelques ministres, je ne reconnais à aucun le droit de m’enlever ma liberté.
    — Je dirai comme M. Robespierre, tonna Danton. On ne doit accorder aucune considération à ce que vient de dire l’insignifiant M. Biauzat. Nous avons à discuter cette grande question, et je vous prouverai les dangers de cette guerre. Je vous donnerai les développements de cette coalition. Je vous ferai voir ce La Fayette que j’ai démasqué en votre présence. Je vous démontrerai que son envie de se faire nommer maire de Paris était une feinte, que son véritable rôle, il le joue maintenant. Que ceux qui se complaisent dans une confiance stupide se préparent à entrer en lice avec moi à la prochaine séance. » Se tournant vers Isnard, il ajouta : « Je prie M. le président de consulter l’assemblée pour savoir si son intention est de donner à cette question toute la solennité qu’elle mérite. »
    La Société répondit oui, en majorité. Brissot, dans son vieil habit râpé, survint à point pour accepter le rendez-vous de Danton.
    En un mois, le jugement de Robespierre sur la nouvelle Assemblée nationale s’était bien modifié. Il en convint avec Claude. Elle se laissait, dit-il, dominer de plus en plus par le très douteux Brissot, par Condorcet qui, depuis 89, avait embrassé successivement toutes les opinions et n’était au fond qu’un rhéteur, comme les Isnard, les Guadet, les Vergniaud. « On connaît d’ailleurs leurs goûts aristocratiques, leurs liaisons avec le mercantilisme, leur intime mépris du peuple. Ils ont imposé à la Cour ce trop joli Narbonne, amant de la remuante M me  de Staël dont ils fréquentent le salon. Brissot s’y est rencontré avec Narbonne, avec Talleyrand qui tient sous sa coupe le directoire du Département, et avec La Fayette. Il se trame assurément une entente entre la Cour, les feuillantistes et la gauche de l’Assemblée. C’est une nouvelle conspiration contre la liberté. Il faut en démasquer les auteurs et les complices, mais d’abord éviter le piège.
    — La Cour ne peut pas être sincère en proposant la guerre, dit Claude, puisqu’en opposant son veto aux décrets sur les prêtres et les émigrés elle encourage les troubles. Mais, je le répète, n’a-t-on pas porté d’un seul coup des décrets trop rigoureux ?
    — Eh, rien ne prouve, mon ami, que cela n’ait pas été prémédité, que l’on ne veuille prolonger et accroître l’anarchie pour ramener le despotisme. Pour les ennemis de la liberté, le meilleur moyen de combattre la Révolution n’est-il pas d’en donner le dégoût à tout le monde, de la rendre odieuse ? »
    Le surlendemain, 16 décembre, la salle, chaude et bien éclairée, ne parvenait pas à absorber la foule attirée par l’annonce d’un grand discours de Danton. De bonne heure, on se pressait déjà dans la cour, on piétinait autour de l’arbre de la liberté pour gagner la vieille église dominicaine dont quelques lampions éclairaient dans la nuit la façade et vaguement le drapeau tricolore. Lise et Gabrielle, venues ensemble avec Jean Dubon, eurent peine à s’asseoir dans la tribune des femmes. Collot d’Herbois, galant, pria les frères et amis de se serrer un peu sur les banquettes pour faire place aux citoyennes patriotes « dignes de l’ancienne Rome ». Dans le couloir qui circulait derrière les gradins, et où luisaient le marbre des tombeaux, les peintures
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