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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur
Autoren: Robert Margerit
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de l’ancienne Assemblée et de la nouvelle. Camille, évidemment, ne pouvait pas vivre silencieux. La tribune des Jacobins remplaçait pour lui sa « tribune aux harangues » : les Révolutions de France et de Brabant disparues. C’était toujours le même pamphlétaire qui s’exprimait dans ces termes, rapportés aux filiales par le journal de la Société : « Nous ne demandions pas que la royauté fût éteinte…» (Ah ! vraiment, ce Camille ! Et le ni Louis XVI ni aucun autre roi, de la pétition cordelière !) « Nous ne demandions pas que la royauté fût éteinte, mais qu’on n’établît point à sa place une tyrannie pire que la royauté ; car, je le demande, quel fut jamais l’individu royal assez inviolable pour oser contre des sujets ce qu’on a osé contre des citoyens à Nancy et au Champ de Mars, sans s’exposer à périr tragiquement comme les Néron et les Caligula ? »
    Mélancolique et amusé, Claude comparait cette emphase équivoque du journaliste à la spontanéité qui rendait Camille irrésistible dans l’intimité. Fréron, le peu sympathique Fréron, le jugeait bien en disant de lui : « cet enfant si naïf et si spirituel ». Avec le plus affectueux abandon, Desmoulins écrivait à Lise et Claude, leur envoyant les amitiés de « Monsieur Hon », comme il se nommait lui-même ironiquement, et du « bon Rouleau », c’est-à-dire Lucile. Ils étaient en ce moment au village d’Arcis, chez Danton, lequel venait de liquider sa charge, d’agrandir sa propriété. Il prétendait s’y retirer afin de vivre en sybarite avec les siens et ses amis, au sein de la paix campagnarde. « Quand je lui parle du désordre sévissant au Manège, où de brusques crises d’attendrissement succèdent aux clameurs et aux insultes, il me répond : Ah ! qu’on est bien ici, loin de tous ces imbéciles ! »
    « Tu vois ! disait Claude à sa femme, Danton suit mon conseil, mais bien plus que je ne l’aurais imaginé. C’est à peine croyable.
    — Tu sais bien qu’il ne fait jamais rien à demi. Il se repose formidablement comme il se dépense formidablement, voilà tout. »
    Pouvait-il se détacher à ce point ! Peut-être avait-il raison, à tout prendre, pensait parfois Claude lorsqu’il lui arrivait d’aller à Thias avec Lise, en ces derniers jours d’automne qui sentaient la poire blette, la feuille morte et le cidre. Les gelées du matin achevaient de roussir les pentes où les labours étalaient leurs pièces brunes. Par moments, planait sur tout, ici, une telle suspension, un tel calme, que l’on y prenait conscience de l’éternité.
    Un instinct, en Claude, repoussait ce sentiment avec une espèce d’horreur ou de panique. Il y avait chez le gros Danton, jusque dans sa violence, une paresse voluptueuse qui devait s’accorder à la lenteur des choses, aux indolences villageoises, aux sommeils de la pensée. Lui, au contraire, citadin par toutes ses fibres, il lui fallait du mouvement, du bruit même, et pour son esprit entraîné au travail toute vacance portait un symbole de la mort. Le bonheur que lui dispensait l’existence avec Lise satisfaisait son âme, ses sens, non point sa pensée. Comment aurait-on pu, d’ailleurs, se désintéresser de l’ouvrage si difficilement accompli, avec des prolongements bien hasardeux, et laissé entre les mains de jeunes fous qui étaient en train de tout compromettre avec leurs décrets excessifs. La Législative ne venait-elle pas de décider que les émigrés seraient réputés conspirateurs s’ils ne rentraient pas en France dans le délai de deux mois, et de décréter l’emprisonnement, la déportation pour les prêtres réfractaires ! Le Roi ne manquerait pas d’opposer son veto à ces deux mesures.
    Là-dessus, Claude apprit par les gazettes que Pétion était élu maire de Paris. Cela ne le surprit point. Les journaux royalistes eux-mêmes faisaient campagne pour lui contre La Fayette, dont la Reine, évidemment, ne voulait pas. Cette vieille haine ! Claude haussa les épaules. Se faire bien voir servait à quelque chose. Il devait se gonfler comme la grenouille de la fable, ce brave Pétion. Bon garçon, plein d’excellents principes, certes, mais sous ses dehors avantageux, il manquait encore plus de fermeté que Bailly, son prédécesseur. Pourquoi Barnave avait-il laissé commettre aux monarques cette sottise ? Assurément le Grenoblois n’avait pas réussi à gagner sur le naturel de
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