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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur
Autoren: Robert Margerit
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des lanternes en mouvement. Il y avait des galops de chevaux. Tous ces préparatifs en rappelaient d’autres à Claude, à Lise. Des préparatifs et leurs atroces résultats.
    « Tu ne crois pas que ça pourrait mal tourner ? demanda-t-elle.
    — Cela me semble impossible. Qui défendrait les Tuileries, cette fois ? Il ne saurait y avoir bataille, la force est toute d’un côté. »
    Quand le jour parut, ils furent surpris de voir sur la place à peine un millier d’hommes, avec pas même dix canons. Après un tel remue-ménage ! Claude ayant eu l’idée de jeter un coup d’œil, par la chambre du fond, sur le ci-devant hôtel de Longueville, ils comprirent. La cour, égale en dimensions au Carrousel lui-même, regorgeait de batteries, avec leurs attelages, leurs caissons, leurs servants. Il y avait assurément là au moins cent bouches à feu. Ensuite, de la salle à manger, ils aperçurent encore autre chose. Par-dessus le toit d’une maison basse entre deux grandes, on voyait en partie l’hôtel de Brionne, siège du Comité de Sûreté générale, relié maintenant au pavillon de Marsan par un couloir en planches. Le jour montant, ils distinguèrent là, sous le feuillage des tilleuls, des scintillements de baïonnettes, des morceaux de bleu, blanc, rouge. Ainsi, autour de la place, les forces sans-culottes amenées par Hanriot devaient se dissimuler dans toutes les cours des vieux hôtels, pour sortir une fois la Convention en séance. La troupe visible était évidemment là pour empêcher que des bataillons moins sûrs vinssent s’y installer.
    « Adroite stratégie, constata Claude, et bien choisie pour prévenir toute échauffourée. Le commandant général provisoire est un habile homme, décidément. »
    Comme le soleil touchait le bonnet phrygien du pavillon de l’Horloge, le tocsin se remit à sonner, la générale à battre. Bientôt les canons du Pont-Neuf tonnèrent, faisant s’envoler en tourbillons les pigeons, les moineaux, affolant les martinets en train de tournoyer à cette heure au ras des maisons. L’un d’eux, entrant comme une flèche par la fenêtre de la salle à manger, vint se fracasser contre la glace qui reflétait la lumière. Les ailes ouvertes il tomba, très noir, mat, sur le marbre blanc où quelques soubresauts l’agitèrent. « Oh ! la pauvre petite bête ! » s’exclama Lise en se précipitant pour la ramasser. Elle était morte. « J’espère, dit Claude, que ce sera la seule victime de cette journée. » Il acheva vivement de déjeuner et partit pour la Convention. Lise voulait le suivre pour partager ses risques. Il l’en dissuada, il ne courait aucun danger, et la séance ne serait assurément pas de celles que l’on veuille voir.
    Il passa au Comité. Danton n’y était pas. Barère, Lindet compulsaient fébrilement des pièces pour rédiger le rapport sur les Vingt-deux. « À quoi bon ? dit Claude. C’est trop tard, on ne vous écoutera plus. Tenez, voilà où nous en sommes, poursuivit-il en leur montrant une lettre qu’un commis venait de lui donner : les révoltés de la Lozère menacent Mende. Bientôt la moitié de la France se battra contre l’autre. Il n’est même plus temps de proscrire nos collègues, le peuple s’en charge. Il faut songer à les préserver du massacre. Allons à la séance. »
    Ils furent retenus par l’arrivée soudaine de Jean Bon Saint-André, en mission à Lyon dont il accourait pour annoncer que les girondistes locaux étaient maîtres de la ville. Ils avaient fait égorger huit cents patriotes.
    « Viens en rendre compte à la Convention. »
    En avançant, vers la salle, on entendait le murmure sourd de la foule, comme un ronflement de mer. Le public des assemblées de section s’écrasait dans les tribunes et les gradins aux deux extrémités. On voyait dans les travées du centre, de la Montagne et de la droite tous les députés présents à Paris, sauf la plupart des Vingt-deux. Cependant Vergniaud, Barbaroux, Biroteau, Lanjuinais, Fauchet, Gorsas occupaient leurs places habituelles. Isnard aussi. Mallarmé, modéré mais porté vers la gauche, montait au fauteuil. La sonnette retentit. Claude se leva.
    « Au nom du Comité de Salut public, et avant toute chose, dit-il, je demande la parole pour Jean Bon Saint-André qui doit vous faire une communication de la plus extrême importance. »
    La nouvelle apportée par le représentant en mission impressionna profondément. Lorsqu’il
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