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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur
Autoren: Robert Margerit
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Fauchet, le vieux Dussaulx, qui avaient siégé avec Dubon sous la menace des canons de la Bastille, renoncèrent également. Puis Lanthenas, l’ami des Roland, offrit sa démission. Vergniaud, les bras croisés, avec un air d’indifférence et de dédain sur son visage grêlé, ne bougeait pas. Gorsas s’était esquivé en se mêlant aux pétitionnaires. Lanjuinais revint à la tribune. Allait-il imiter l’exemple d’Isnard ? La question ne se posa pas longtemps.
    « Je crois, dit-il, avoir montré suffisamment de fermeté pour que l’on n’attende de moi ni suspension, ni démission. » Des hurlements lui coupèrent la parole. Il attendit, impassible. Profitant d’un trou dans le vacarme, il lança : « Quand les sacrificateurs antiques traînaient une victime à l’autel, ils la couronnaient de fleurs et de bandelettes. Ils ne l’insultaient pas. » Le silence se rétablit. Lanjuinais continua : « Que l’on nous immole, mais, je vous le dis, je vois l’horrible monstre de la dictature s’avancer sur des monceaux de ruines et de cadavres, vous engloutir successivement les uns et les autres, et dévorer la République. On veut le sacrifice de nos pouvoirs ; nous ne sommes pas libres de le faire, vous ne l’êtes pas de l’accepter. On ne peut ni sortir d’ici ni se mettre aux fenêtres, des canons sont braqués. Aucun vœu légal ne saurait être formulé dans cette enceinte. Je me tais. »
    Barbaroux lui succéda. « Si la Convention ordonne ma démission, je me soumettrai, dit-il, mais je ne déposerai pas moi-même les pouvoirs dont j’ai été investi par le peuple. J’ai juré de mourir à ce poste, je tiendrai mon serment.
    — Quoi ! se récria Marat. Des sacrifices ! Oublie-t-on qu’il faut être pur, pour les offrir ? C’est à moi, vrai martyr de la liberté, à me dévouer pour tous. J’offre donc ma suspension du moment où vous aurez ordonné l’arrestation des Vingt-deux. Mais, ajouta-t-il, la liste est mal faite. Au lieu du vieux Dussaulx, du pauvre d’esprit Lanthenas et de Ducos, coupable seulement d’opinions erronées, il faut y inscrire Defermon et Valazé qui méritent d’y être et n’y sont pas. »
    Billaud-Varenne appuyait, lorsqu’on entendit du bruit à la porte. On vit, au milieu des huissiers, Delacroix entrer en clamant avec indignation : « J’ai voulu sortir, on a braqué des armes contre moi ! La Convention est sous la mitraille ! » Claude jeta un coup d’œil à Danton. Delacroix savait comme eux qu’il n’y avait rien dans les canons. Danton semblait indifférent, l’air endormi, pourtant Delacroix n’eût pas agi sans son assentiment. C’était donc une suprême manœuvre pour soulever la Convention et sauver les Brissotins. Barère, courant de nouveau à la tribune, se mit à dénoncer « les nouveaux tyrans qui prétendent asservir l’Assemblée. Cette tyrannie siège dans le Comité révolutionnaire, il renferme dans son sein des étrangers très suspects : l’Espagnol Gusman, l’Anglais Arthur, le Portugais Peireira, et d’autres. En ce moment, on distribue aux sicaires des assignats de cinq livres. Il faut mander à la barre le commandant-général et lui demander compte de sa conduite. »
    La droite, la Plaine rendirent immédiatement ce décret. La Montagne se taisait. Claude se demandait quel jeu faisait Barère. Avec un personnage si ambigu, insidieux et sot à la fois, on ne pouvait ni préjuger ses intentions ni même savoir s’il agissait pour quelqu’un ou s’il bourdonnait à tort et à travers, en vraie mouche du coche. L’éclatante absurdité de sa motion était-elle rouerie ou bêtise ? Claude observait tour à tour Robespierre immobile et muet, Danton immobile et muet, Vergniaud immobile et muet. Depuis le matin, aucun d’eux n’avait participé au débat, approuvé ou improuvé du moindre signe. Quelles pensées sous leur front ?
    L’huissier chargé de quérir le commandant-général revint. Hanriot avait répondu comme on ne pouvait pas ne s’y point attendre. « Dis à ton foutu président que je me fous de lui et de son Assemblée. Si, dans une heure, elle ne m’a pas livré les Vingt-deux, je la ferai canonner. » Réponse non moins absurde que le décret lui-même. Hanriot tirerait-il donc sur la Montagne jacobine et cordelière dont il était l’agent ! Le style Père Duchesne donnait le ton de la comédie. Mais Claude dressa l’oreille. Barère exhortait la Convention à
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