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Une irrépressible et coupable passion

Une irrépressible et coupable passion

Titel: Une irrépressible et coupable passion
Autoren: Ron Hansen
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chambre d’exécution, Ruth fut
accueillie par le silence et les regards scrutateurs de vingt journalistes
masculins, quatre médecins, plusieurs gardiens renfrognés, Lewis Lawes et ses
assistants, tandis que le père McCaffery récitait toujours des prières en latin
à ses côtés. En tout, il y avait là quarante et un messieurs. La sœur d’Albert
avait traité Ruth de « mangeuse d’hommes », mais en l’occurrence,
avec pour seule compagnie féminine celle des surveillantes, elle eut du mal à
avaler leur nombre.
    On avait apporté de la chapelle des bancs d’église en chêne,
mais la salle, toute en largeur, était pour le reste d’un blanc aveuglant, à
l’exception de quelques canalisations et radiateurs argentés. Six appliques en
verre dépoli ajoutaient encore à la blancheur et ce fut avec la main en visière
au-dessus des yeux que Ruth remarqua enfin le large fauteuil en chêne sur son
tapis en caoutchouc. Elle ne put faire autrement que pousser un hurlement si
aigu que certains reporters se bouchèrent les oreilles et elle se serait
écroulée telle une gamine piquant une colère si les surveillantes ne l’avaient
fermement tenue.
    Ruth vacilla en avant, comme si elle avait été sur le point
de défaillir, psalmodiant : « Ô Seigneur, prends pitié de moi, car
j’ai péché. » Mais on la guida et l’installa avec douceur sur l’assise en
caoutchouc. McCaffery lui reprit le crucifix et acheva le sacrement de
l’extrême-onction pendant qu’on assujettissait les bras et les poignets de Ruth
au siège en bois avec des courroies en cuir. On baissa ses bas noirs et on lui
attacha les deux chevilles ; on lui sangla la poitrine et la taille. Elle
lança des regards affolés à ces individus civilisés qui observaient sa peur
sans ciller. Qui guettaient sa mort. Elle lutta pour respirer quand on lui
plaça sur la figure le masque en cuir noir percé d’une fente unique pour le nez
et la bouche et pourvu d’une lanière, afin de lui plaquer l’occiput à l’appuie-tête
en caoutchouc et d’épargner aux témoins les horribles contractions de son
visage. On imbiba d’eau salée une éponge de mer renfermant une fine résille
circulaire en cuivre, puis on la nicha à l’intérieur d’un casque de football
américain en cuir, on écarta la chevelure mouillée de Ruth pour appliquer
l’électrode sur son crâne rasé, on la coiffa du casque et on régla la
mentonnière.
    « Père, pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu’ils
font », murmura-t-elle, tandis qu’on refermait la seconde électrode sur
son mollet droit tremblant pour boucler le circuit électrique.
    Tous les assistants prirent leurs distances.
    Bien que les appareils photographiques fussent interdits,
Thomas Howard, un photographe excessivement ambitieux qui s’était fait passer
pour un journaliste, était assis au premier rang, un Ansco Memo Miniature à la
cheville, maintenu par de l’adhésif. Relevant l’ourlet de son pantalon, Howard
attrapa au fond de sa poche la poire déclenchant l’obturateur et patienta.
    Debout dans son alcôve, derrière une vitre, les mains sur
les commandes électriques, Robert Elliott avait les yeux rivés sur Lewis Lawes.
    Le directeur fixait l’horloge en hauteur, dans l’attente que
les aiguilles indiquent onze heures justes. Ruth priait :
    « Ô Seigneur, prends pitié de moi, Ô Seigneur,
prends… »
    Elle ne termina pas sa phrase, car Lawes adressa un signe de
tête au bourreau et Elliott actionna l’interrupteur fermant le circuit
électrique. Ruth se cambra, mais les entraves la retinrent solidement. Howard
prit son cliché, qui lui valut une prime de cent dollars. Publié en première
page, assorti de la manchette : « Exécutée ! », il serait
sélectionné par John Faber comme l’un des « Grands Moments de la
photographie d’information ».
    Le voltage élevé plongea instantanément Ruth dans le coma et
lui paralysa les muscles du cœur, mais Elliott laissa encore circuler le
courant cinq secondes de plus, jusqu’à ce qu’il eût la certitude que la
température de l’épiderme eût dépassé les soixante degrés et que le système
nerveux central fût détruit. Il coupa le circuit et le corps de Ruth se
détendit. Les bras croisés, Lawes considérait le sol.
    Les mains de Ruth se crispèrent sous l’effet d’un spasme
musculaire involontaire. Sa chair, brûlée, était écarlate.
    Elliott poussa à nouveau l’interrupteur vers le haut,
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