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Une irrépressible et coupable passion

Une irrépressible et coupable passion

Titel: Une irrépressible et coupable passion
Autoren: Ron Hansen
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Ruth ne tarderait pas à quitter
l’« abattoir ».
    « Prenez soin de mon bébé ! » leur lança
Ruth, tandis qu’ils s’éloignaient.
    Mrs Josephine Anderson Brown résiderait quelque temps
chez Andrew, avant de reprendre son nom de jeune fille et de trouver un
logement dans Mahan Avenue, dans le Bronx, où elle mourut d’une maladie
cardiaque en 1939. Elle fut enterrée au cimetière de Woodlawn, comme sa fille.
    Lawes laissa à un subalterne le soin d’annoncer à la
condamnée qu’elle allait mourir ce soir-là. Ruth s’écroula et enfouit son
visage dans le lit, en larmes, hurlante, et toucha à peine à l’omelette
espagnole au menu pour tous les détenus ce soir-là et agrémentée, dans son cas,
de morphine, afin de la calmer.
    Edgar Hazelton et Dana Wallace, qui ne se parlaient plus
qu’à peine, se virent accorder le privilège d’une dernière visite vers sept
heures. Et ce fut avec émoi qu’Hazelton rapporta plus tard aux
journalistes :
    « Elle est si affectée qu’elle ne sait plus ce qu’elle
fait. Je n’ai jamais rien vu d’aussi terrible. Je ne peux décrire sa terreur,
sa détresse, son tourment. J’ai souffert mille morts durant les quinze minutes
que nous avons passées ensemble. C’était affreux. Nous nous sommes assis à ses
côtés. Elle avait la tête dans les mains. Nous étions tous si abattus que nous
n’avons rien dit. Pour finir, j’ai hasardé : “Avez-vous imploré le pardon
de Dieu ?” Elle a répondu : “Oui, et Il m’a pardonné. J’espère que le
monde en fera autant.” Puis elle s’est à nouveau pris la tête dans les mains.
Nous sommes restés là. Pour finir, gênée, elle nous a regardés et elle a
lâché : “Eh bien, adieu…” Qu’aurions-nous pu faire ? Nous nous sommes
levés et nous sommes partis. »
    Essuyant ses larmes, Dana Wallace livra une interprétation
de l’entrevue qui illustrait bien le fossé entre les deux avocats :
    « Elle fait face et elle est en paix avec Dieu. Elle
s’est résignée à l’inévitable et a déclaré : “Je n’ai aucune amertume à
l’égard du monde, ni de quiconque en particulier.” »
    Une surveillante fut contrainte de pratiquer une tonsure
circulaire au sommet du crâne de Ruth et toutes deux pleurèrent de cet outrage.
Ruth écrivit des billets de remerciement à toutes les gardiennes qui s’étaient
occupées d’elle. L’une d’elles assura plus tard : « Elle s’est
toujours comportée en vraie dame. Elle n’était pas du tout embêtante. Elle
bavardait avec nous de nos tracas et nos soucis, comme si elle-même n’en avait
aucun. »
    Quand le père McCaffery arriva, elle jeta un coup d’œil à
l’horloge et voici comment le prêtre reconstitua, avec ses propres mots, leur
conversation :
    « “Il me reste une heure et cinquante-cinq minutes à
vivre, père John. Je me repens grandement de mes péchés, mais je les paye au
prix fort. Nous avons péché ensemble, Judd et moi, et il semble à présent que
nous allons partir ensemble. Si je devais vivre à nouveau ma vie, ce serait
comme le fera, j’espère, mon enfant – en brave fille suivant à la lettre
les divins commandements afin de mener une existence saine.” »
    Puis elle rédigea un message au contenu inconnu à
l’intention de Judd qui, soulagé, lui répondit immédiatement par ses adieux.
    « Je suis très heureux, avoua-t-il au pasteur Peterson.
J’avais espoir qu’elle me pardonnerait. Et j’espère que Dieu nous pardonnera à
tous les deux. »
    Tour de force remarquable, Judd trouva le temps de
griffonner les six dernières pages de Doomed Ship, dans lesquelles il
consigna une bonne partie des événements de la journée, en écoutant au loin ses
codétenus chanter en chœur pour lui The Pilgrims of the Night (« Les pèlerins de la nuit ») : « Enfin vient le repos, si
longue soit la vie, / Le jour doit se lever, la nuit noire passer ; / Bon
accueil vous sera fait au bout du trajet, / Quand viendra le ciel, du cœur
seule vraie patrie. / Ô anges de Jésus, anges du paradis, / Chantez la venue
des pèlerins de la nuit. »
    « Et enfin, je suis certain de la réalité du Christ,
écrivit Judd. Je serai affranchi. Cela, je l’ai acheté de mes propres deniers,
payé de mon corps. Au plus profond de mon cœur s’insinue déjà la paix de
l’éternité, la paix que seul Dieu peut accorder. Comme si je posais la tête sur
un oreiller frais et douillet. Et dans la mort, je
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