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Une irrépressible et coupable passion

Une irrépressible et coupable passion

Titel: Une irrépressible et coupable passion
Autoren: Ron Hansen
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Chapitre 1
MORT D’UN DIRECTEUR ARTISTIQUE
    Ce fut un lent martèlement à la porte de sa chambre qui la réveilla.
Elle s’appelait Lorraine Snyder, elle avait neuf ans. Elle avait gaspillé son
samedi soir à une soirée bridge où elle avait accompagné ses parents, chez des
amis à eux, et ils étaient rentrés à deux heures du matin. Soit à peine cinq
heures plus tôt, en ce 20 mars 1927. Elle se rendormit, mais le
martèlement reprit, plus fort, et sa mère l’appela d’une voix étouffée :
    « Lora. Lora, c’est moi. »
    Lorraine se leva, se traîna jusqu’à la porte,
mystérieusement verrouillée de l’extérieur, et l’ouvrit grâce à sa clef,
suspendue par une ficelle.
    Ruth Snyder gisait dans le couloir, vêtue d’une chemise de
nuit en satin vert retroussée sur ses cuisses. Elle tambourinait doucement à la
porte de la tête. Ses chevilles étaient ficelées avec des tours et des tours de
corde à linge blanche et elle avait les poignets attachés dans le dos.
    « Maman ! s’exclama Lorraine. Qu’est-ce qui se
passe ? » Elle s’agenouilla pour dénouer le mouchoir d’homme qui
bâillonnait sa mère et s’entendit répondre :
    « Ne me détache pas. Va d’abord chercher
Mrs Mulhauser.
    Harriet Mulhauser remplissait sa cafetière électrique au
robinet de la cuisine quand elle entendit la sonnette de la porte d’entrée.
L’adorable petite blonde d’en face se tenait sur le porche, en pyjama à col
marin et en pantoufles. L’œil hagard, apeurée, hors d’haleine.
    « Ma mère a besoin de vous », balbutia-t-elle.
    La maison des Snyder semblait avoir été mise à sac :
les coussins du canapé étaient par terre, les rideaux arrachés, les livres et
l’argenterie éparpillés. Mrs Mulhauser découvrit Mrs Snyder à
l’étage, étendue sans défense à l’extrémité sud du couloir, encore ligotée.
Comme Harriet se baissait pour défaire les liens, Ruth lui expliqua de façon
fébrile et décousue qu’ils avaient été cambriolés. Elle s’était fait estourbir
par l’un des malfaiteurs, un gigantesque Italien, et elle s’était évanouie.
Elle ignorait ce qu’il était advenu d’Albert. Harriet voulait-elle s’assurer
qu’il allait bien ?
    Mrs Mulhauser lança un regard vers la porte entrouverte
à l’autre bout du couloir. Il ne lui parut pas convenable d’entrer dans la
chambre alors que le maître de maison s’y trouvait, d’autant qu’il y régnait un
silence par trop lugubre. Elle crut même percevoir une odeur nauséabonde. Elle
envoya Lorraine chercher Mr Mulhauser.
    Louis Mulhauser aperçut la petite Snyder qui courait vers
lui alors qu’il sortait sur le trottoir dans son costume gris du dimanche pour
récupérer son exemplaire dominical du New York Times.
    « Nous avons besoin de vous », pleurnicha
Lorraine, avant de lui attraper la main.
    La maison des Snyder avait été construite par la même
entreprise et était identique à celle de Louis Mulhauser. À l’étage,
Mrs Snyder, toujours par terre, était effondrée entre les bras de son
épouse. Des mètres de corde à linge s’enchevêtraient à côté de ses pieds nus.
Elle sanglotait, mais sans verser de larmes.
    « Va jeter un coup d’œil à monsieur », demanda
gravement Harriet, en indiquant de la tête la direction à son mari.
    Louis entra seul dans la chambre des Snyder. Des vêtements
et le contenu des tiroirs renversés s’entassaient, épars, sur le sol. La boîte
à bijoux avait apparemment été vidée. Il flottait de forts effluves chimiques
et Albert Snyder était allongé sur le ventre, dans sa chemise de nuit de
flanelle, sur le plus proche des deux lits jumeaux. Il avait la tête rejetée en
arrière, comme de souffrance, tournée à l’opposé de la porte. Ses poignets
étaient liés dans son dos avec une serviette blanche et ses chevilles entravées
par une cravate en soie. Un revolver de calibre .32 reposait à côté de
lui ; son portefeuille ouvert avait été abandonné près de la coiffeuse.
Mr Mulhauser s’aventura entre les deux lits et contempla l’horrible face
rubiconde et sans vie d’Albert, qui avait encore l’air d’essayer de se
soustraire à un foulard bleu de cow-boy, imbibé de chloroforme. Albert avait
plusieurs plaies au crâne et la taie de son oreiller était imprégnée de sang
séché marron. Des filaments de coton humecté de chloroforme lui obstruaient les
narines et une boule cotonneuse grosse comme un poing
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