Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Si je meurs au combat

Si je meurs au combat

Titel: Si je meurs au combat
Autoren: Tim OBrien
Vom Netzwerk:
pourrait pas m’empêcher de roupiller. Et toi, t’as dormi ? On aurait bien dit que tu dormais ; je t’ai vu, hein, quand tu montais la garde.
    — Quoi ? J’ai pas pioncé pendant que je montais la garde !
    — C’est pas ça que je voulais dire, réplique Barney, bien content d’avoir tapé là où ça fait mal. Ce que je voulais dire, c’est que je t’ai vu pendant que je montais la garde. Je t’ai vu dormir comme un loir.
    — Jusqu’à il y a de ça deux heures. Un truc m’a réveillé, on aurait dit un machin qui essayait de me buter.
    — T’as dû rêver.
    Bates se retourne.
    — Ah, c’était rien, fait Barney. Ils vont bientôt partir. On ferait bien de se préparer, on dirait que Johansen va pas tarder à nous faire bouger de là.
    On rassemble tout notre barda, on le fourre dans des sacs verts, et puis on reprend notre place dans la file qui commence à s’éloigner de la colline, en direction du premier bled de la journée.

II

PRO PATRIA
    J’ai grandi d’une guerre à l’autre. Mon père revenait de ces gigantesques bateaux de guerre qui avaient joué sur la scène de l’océan Pacifique ; ma mère portait l’uniforme des WAVES (3) . J’étais la progéniture toute fripée, gonflée, sanglante, de la grande campagne contre les tyrans des années 1940, une explosion au sein du baby-boom, l’un des millions de nouveaux êtres humains qui devaient remplacer ceux qui venaient de mourir. Mes braillements sont sortis avec les premières notes gutturales de cette nouvelle armée que l’on venait d’engendrer. On m’a élevé avec la hâte, l’expédition, la légèreté des muscles fléchis d’une nation triomphante, revitalisée, splendide, qui donnait la bride à sa propre chance et à sa propre réussite. On m’a nourri des dépouilles de la victoire de 1945.
    J’ai appris à lire et à écrire dans les prairies situées au sud du Minnesota, dans des villes qui fixaient leurs yeux de cadavres sur l’horizon des champs de maïs.
    J’ai appris à faire du patin à glace sur les chemins qu’avaient empruntés les pionniers qui ont peuplé le Dakota du Sud, les plaines du Nebraska et le nord de l’Iowa.
    Mes professeurs étaient des vieilles dames frêles, des entraîneurs de foot, des vétérans au visage cramoisi, et aussi ces filles toutes mignonnes, en sixième, souvenirs de valeur ardente.
    C’est sur des coins d’herbe et dans les brumes de l’imagination que j’ai appris à jouer à la guerre. Des copains m’ont fait découvrir la boutique du surplus de l’armée, dans la grande rue. On achetait des reliques égratignées de l’histoire de nos pères, des gourdes rouillées, des intérieurs de casques abîmés qui sentaient l’olive. On devenait alors nos pères, on se battait contre les Japs et les Schleus sur les rives du lac Okabena, sur les allées plates des terrains de golf, on se tordait de douleur avant de mourir, touchés par les barrages des canons camouflés qui se trouvaient sur les rives, de l’autre côté du lac. Je passais les doigts sur les décorations de guerre de mon père et, un beau jour, j’ai volé une minuscule étoile de bataille qui se trouvait sur l’une d’entre elles et je l’ai cachée dans ma poche.
    Le base-ball, c’était pour l’été, à la fin de l’année scolaire. Mon père adorait le base-ball. À l’âge de six ans, j’avais dans les mains une batte décolorée de marque Louisville. J’ai fait un arrêt-court pour l’Association de l’Electic Rural de l’équipe des Minimes. C’était mon père qui nous entraînait, et il est d’ailleurs toujours entraîneur, toujours capable de citer tous les joueurs des grandes équipes des Doggers de Brooklyn des années 1950.
    Les petits pétards et les gros mammouths interdits étaient réservés à la fête nationale du 4 juillet : un match de base-ball, un pique-nique, une journée dans le parc de la ville, à écouter la fanfare de l’école qui jouait « Anchors Aweigh », un discours, regarder le défilé des légionnaires américains. Le soir, un peu après neuf heures, les feux d’artifice éclataient sur le lac, reflets dans l’eau.
    C’était une terre indienne. À cent cinquante kilomètres de Sioux City, cent kilomètres de Sioux Falls, cent trente kilomètres de Cherokee, soixante kilomètres du lac Spirit et du site d’un illustre massacre. Au nord, il y avait Pipestone et le spectacle annuel de Hiawatha. À l’ouest, Luverne et des
Vom Netzwerk:

Weitere Kostenlose Bücher