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Si je meurs au combat

Si je meurs au combat

Titel: Si je meurs au combat
Autoren: Tim OBrien
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I

JOURNÉES
    — C’est dingue, vraiment dingue, non ? Tu te serais déjà vu barouder sur un chemin aussi pourri que ça, toi, sauter dans la boue comme un malade, sauter comme une putain de grenouille et esquiver les balles du matin au soir ? Je sais pas pour toi, mais moi, en tout cas, je me serais carrément jamais imaginé faire ce genre de conneries à longueur de journée. Chez moi, à Cleveland, je serais encore au lit.
    Barney se met à sourire.
    — Bon Dieu, t’as déjà vu un truc pareil, toi ?
    — Pas plus tard qu’hier, je lui réponds.
    — Hier ? Merde alors, hier, ça avait carrément rien à voir.
    — Des snipers hier, des snipers aujourd’hui. Quelle différence ?
    — Peut-être bien, il fait. De toute manière, ça va pas les empêcher de te trouer le cul, hein ? Mais quand même, merde, hier, ça avait rien à voir.
    — Des snipers hier, des snipers aujourd’hui, je répète.
    Ce qui fait bien marrer Barney.
    — Tu les aimes pas, les snipers, pas vrai ? Hier, il y avait des snipers, il y en avait quelques-uns, mais bon sang, aujourd’hui, il y a que ça. Vivement ce soir. Bon Dieu, ce soir, ça va être le bonheur. Là, ils vont vraiment nous en faire baver. Je vais me creuser un trou profond comme une cave, moi.
    On reste allongés l’un à côté de l’autre jusqu’à ce que cessent les coups de feu. On ne prend même pas la peine de lever nos fusils. On ne sait pas de quel côté il faut tirer, et de toute manière, c’est déjà fini.
    Barney ramasse son casque et sort un crayon pour y faire un trait. Il sourit et me montre les dix marques :
    — Tu vois, ça fait dix fois, aujourd’hui. T’as qu’à compter : un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, DIX ! Tu t’es déjà fait tirer dessus dix fois en un seul jour, toi ?
    — Hier, je lui réponds. Et le jour d’avant, et puis aussi le jour d’avant.
    — Eh, aujourd’hui, c’était pire.
    — T’as compté, hier ?
    — Non, c’est la première fois que je pense à faire un truc pareil. Ce qui prouve bien qu’aujourd’hui, c’est pire.
    — Eh ben, t’aurais dû compter, hier.
    — Bon Dieu ! me fait Barney. Bouge-toi le cul, faut se barrer de là. La compagnie reprend la route.
    Il range son crayon, se redresse d’un coup, comme une marionnette ou un gosse sur une échasse à ressort, puis il me tire par la main.
    Je marche à quelques pas derrière lui.
    — T’es optimiste de nature, non, Barney ? Ces saloperies, ça te fout pas le moral à zéro, hein ?
    — Faut pas se laisser démoraliser, il me répond. C’est comme ça que les gars se font dégommer.
    — Il est quelle heure ?
    — D’après le soleil, je dirais qu’il est à peu près quatre heures.
    — Pas mal.
    — Pourquoi est-ce que quatre heures, ça serait pas mal ? Tu commences à être crevé ? Si tu veux, je peux te porter des trucs.
    — Non, ça va. On devrait pas tarder à s’arrêter. Je vais t’aider à creuser cette cave.
    Un cri perçant, comme un hurlement de femme emporté par le souffle de la brise, vient nous grésiller dans les oreilles.
    — Bon Dieu de bon Dieu ! gueule Barney, déjà à plat ventre.
    — Bon Dieu de bon Dieu ! je répète, à genoux à côté de lui.
    — Ça va ?
    — Je crois bien. Et toi ?
    — Ouais. C’est nous qu’ils visaient, cette fois, j’en suis sûr. Toi et moi.
    — Ils savent à qui ils ont affaire, je lui dis. À toi et moi.
    Il étouffe un rire :
    — C’est clair qu’on va leur en faire baver, pas vrai ? Ces petits connards, on va se les étrangler.
    — Allez, on y va, ça valait pas le coup de s’arrêter.
    Le chemin relie un ensemble de hameaux, des petits villages situés au nord et à l’ouest de la péninsule de Batangan. Il s’agit d’un chemin relativement large et plat, mais parsemé de grands virages très dangereux, et il est bordé de broussailles impénétrables. Deux groupes (1) se déplacent dans les taillis qui se trouvent de chaque côté afin de protéger les flancs des embuscades de proximité, et c’est pour ça que la compagnie progresse aussi lentement.
    — Le capitaine dit qu’on va encore fouiller un bled aujourd’hui, fait Barney.
    — Qu’est-ce qu’il espère trouver ? Le temps qu’on débarque, ils auront déjà décampé depuis une paye.
    Barney hausse les épaules. Il marche d’un pas ferme et ne regarde pas derrière lui.
    — Ce qu’il espère trouver, hein  ? Bon Dieu,
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