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Si je meurs au combat

Si je meurs au combat

Titel: Si je meurs au combat
Autoren: Tim OBrien
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coins sablonneux, où tu ne risques rien, au bord de la mer. Tu sais ou se trouvent les mines et où elles se trouveront encore pendant plus d’un siècle, jusqu’au jour où la terre décidera de les engloutir et de les désarmer. De grandes étendues de terres. Tout autour de My Khe et de My Lai. Comme le visage d’un ami.
    L’hôtesse sert un repas et distribue des magazines. L’avion atterrit au Japon et fait le plein de carburant. Puis tu voles direct jusqu’à Seattle. C’est quoi, une guerre qui commence et qui finit comme ça, avec une jolie nana, des sièges rembourrés et des magazines ?
    Tu fais le calcul. Tu as perdu un copain à la guerre et tu t’y es fait un copain. Tu as compromis l’un de tes principes, mais tu en as satisfait un autre. Comme le racontent les petits vieux qui se réunissent devant le tribunal, tu as appris qu’à la guerre tout n’est pas purement mauvais ; peut-être bien que ça ne fait pas de toi un homme, mais ça t’apprend que la virilité est un truc qui compte ; certaines histoires sur la valeur morale ont leur importance ; le corps d’un mort est lourd, et il vaut mieux ne pas le toucher ; la peur, c’est la paralysie, mais mieux vaut avoir peur que bouger et se faire tuer : tous tes membres fonctionnent, le cœur bat la chamade, tu pars à la charge et tu te fais gentiment déchirer la cage thoracique ; il faut choisir les moments où tu n’as pas peur, mais quand tu as la trouille, tu dois le cacher, pour ne pas perdre le respect de tes camarades et ne pas salir ta réputation. Tu as appris que les petits vieux ont vécu une existence qui leur appartient pleinement, qu’ils y attachaient suffisamment d’importance pour tenter de ne pas la perdre ; en y mettant un peu de bonne volonté, tout le monde peut mourir à la guerre.
    Tu atterris sur une base aérienne en périphérie de Seattle. L’armée te paie un steak pour le dîner. Dans le mess, tu peux lire sur un panneau accroché là en permanence : « Bienvenus à la Maison, les Reveneurs ». « Reveneur », c’est un terme militaire, un terme que personne d’autre n’utilise. Tu dois signer pour avoir droit au dîner, un dîner par personne.
    Ensuite, tu signes tout un tas d’autres paperasses pour enclencher le processus qui te fera sortir de l’armée, tu signes tout ce qu’ils te filent et tu esquives ta dernière coupe de cheveux.
    Tu récites le Serment d’Allégeance au Drapeau, même ça, et puis tu quittes l’armée en taxi.
    Le vol pour le Minnesota, au mois de mars, te porte au-dessus d’une neige qui commence à disparaître. Les rivières que tu vois en bas sont encore partiellement couvertes de glace. De gros morceaux de champs de maïs noirs se détachent sur la neige à moitié fondue. Le ciel où tu te trouves est gris et mort. Quand tu passes au-dessus du Montana et du Dakota du Nord, tu regardes en bas et tu ne vois aucun signe de vie.
    Et quand tu survoles le Minnesota, tu traverses une immobilité vide, ignorante, insouciante, pure. Tout en bas, la neige est encore épaisse, il y a des motifs de vieux champs de maïs, il y a des routes. En échange de toutes tes angoisses, les prairies s’étendent, inchangées, arrogantes.
    À six heures du matin, l’avion fait un dernier virage, se met dans l’axe et entame sa descente. Quand les voyants lumineux annoncent qu’on n’a plus le droit de fumer, tu te rends à l’arrière de l’avion, tu enlèves ton uniforme. Tu le roules en boule, le fourres dans ta valise et tu enfiles un pull puis un jean. Tu t’adresses un sourire dans le miroir. Et là, tu te mets à rire, parce que tu commences à comprendre que tu es heureux. De militaire, tu n’as plus que tes chaussures, tu les détestes mais personne ne s’en apercevra. Impossible de rentrer à la maison pieds nus.

 

    Tim O’Brien est né en 1946 à Austin (Minnesota). Ouvertement opposé à la guerre du Viêtnam, il pense d’abord déserter mais sera finalement incorporé dans la Troisième Section, où il passera un an, en 1969 et 1970. Après la guerre, O’Brien s’inscrit à Harvard, fait un stage au Washington Post et devient reporter. À partir de 1975, grâce au succès de Si je meurs au combat , il se consacre totalement à la fiction.
    Il est l’auteur de Northern Lights (1975), Where Have Y ou Gone Charming Billy ? (1975), Going After Cacciato (1978, qui lui vaudra le prestigieux National Book Award), The Nuclear Age (1985), The Things
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