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Si je meurs au combat

Si je meurs au combat

Titel: Si je meurs au combat
Autoren: Tim OBrien
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vers humides d’entre ses dents.
    Un reporter lui a demandé s’il n’existait pas une différence entre le massacre non intentionnel des civils, dans les bombardements, lorsqu’il n’était pas possible de voir précisément les cibles à abattre, et le fait de tirer de plein gré sur des êtres humains, l’un après l’autre, une personne après l’autre, à une distance de cinq mètres, quand on visait un fossé rempli de personnes désespérées et qui n’étaient même pas armées.
    Callicles a poussé un grognement et a dit au reporter qu’il n’avait qu’à demander aux morts s’ils voyaient une différence.
    — Peut-être que les morts ne voient pas la différence, a répondu le reporter, mais que faites-vous alors de la loi ? La culpabilité n’a-t-elle aucun rapport avec le fait d’agir de plein gré ?
    — Allez, a fait Callicles. Je vais vous y emmener. À vous de juger. On est en guerre, et My Lai, c’est là où vit l’ennemi ; vous allez voir ce que vous allez voir.
    Le commandant Callicles a trimballé des groupes de reporters jusqu’à My Lai 4, il leur a fait survoler le hameau et leur a donné une idée de ce à quoi ressemblait ce coin pourri, aux apparences maléfiques : des monticules blancs, où il y avait des tombes ; un amas de paillotes qui semblaient être là depuis un millénaire, toutes aussi sordides les unes que les autres, et avec ce genre de permanence qui donnait l’impression qu’elles avaient toujours fait partie du décor ; pas le moindre signe de vie ; des taches épaisses, vert foncé, là où le sol se renfonçait ; des cratères jaune-brun aux endroits touchés par les salves d’artillerie. Même dans cette lumière crue de la mi-matinée, vu du ciel, le coin est d’un gris absolument monotone. Tes yeux ne peuvent rien fixer que pendant quelques secondes ; et là, tu regardes ailleurs, vers l’est, où la mer est tellement plus attirante.
    Le scandale de My Lai ne s’est pas dissipé. Ils ont placé le commandant Callicles à la tête d’une unité opérationnelle qui devait assurer la sécurité du village et préparer le passage du général Peers, du lieutenant Calley et de l’équipe chargée de l’enquête. Callicles a commencé son boulot en déminant le terrain, en marquant avec des bandes blanches un sentier où l’on pouvait se déplacer en toute sécurité, en creusant des postes de défense. Hanté par ce qu’il était en train de faire, il a commencé à picoler encore plus qu’auparavant, avec les yeux qui passaient d’un détail à l’autre, comme s’ils cherchaient une stabilité dans ce monde ; et le reste du temps, il regardait dans le vide d’un air absent.
    L’enquête a pris fin et ils ont récompensé le commandant Callicles d’une lettre de distinction honorifique. Il l’a lue, a fait un sourire entendu et l’a balancée sur une pile de papiers à bazarder. C’était lui qui passait le plus de temps au mess des officiers de LZ Gator, à jouer au poker – il gagnait et perdait des gros paquets de devises militaires – et à picoler. Après, il revenait au bureau et discutait de tout ça avec nous.
    — Qu’est-ce qu’ils attendent, les gens, quand ils envoient des gars à la guerre, ici ? demandait-il en poussant un grognement.
    — Qu’on cherche et qu’on se débarrasse de l’ennemi.
    — Ouais, ouais, tout ça, je le sais. Mais qu’est-ce qu’ils attendent, quand l’ennemi a dix ans ou qu’il a des gros nichons – des femmes et des enfants, comme vous le savez ? Alors quoi ? Qu’est-ce qui se passe si c’est eux , l’ennemi ?
    — Eh ben, on les tue ou on les capture. Mais on ne peut faire ça que s’ils sont en train de se battre, chef. C’est une guerre civile, en partie, et même s’il y en a dans le tas qui viennent du Nord-Viêtnam, ils ressemblent aux Sud-Vietnamiens. Ce qui fait qu’il faut partir du principe que…
    — Partir du principe, mon cul ! Quand tu vas à My Lai, tu pars du principe que tout peut partir en couille. Quand tu vas à My Lai, merde alors, tu sais pertinemment – tu pars du principe – que c’est tous des Viêt-congs. Des bons vieux Charlies avec des gros nichons et des yeux innocents de gamins. Bordel de merde, c’est tous des Viêt-congs, tu devrais bien le savoir. T’as fait des études, bon Dieu, mais est-ce que ça t’oblige à faire plus confiance à un bouquin de naze qu’à tout ce que t’as sous les yeux ? Tu y as
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