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Si je meurs au combat

Si je meurs au combat

Titel: Si je meurs au combat
Autoren: Tim OBrien
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comme ça.
    Et puis il abandonne. L’air complètement abattu, il ressort par la porte principale, et moins d’un jour plus tard, il désertera.

XXII

LE COURAGE EST, UNE CERTAINE FORME DE PRÉSERVATION
    — Donc, la cité est aussi courageuse par une partie d’elle-même, et parce qu’elle possède en cette partie la force de garder constamment intacte son opinion sur les choses à craindre : à savoir que ce sont celles, en nombre et en nature, que le législateur a désignées dans l’éducation. Ou bien n’est-ce pas là ce que tu appelles courage ?
    — Je n’ai pas tout à fait compris ce que tu disais ; répète-le.
    — Je disais que le courage était une certaine forme de préservation.
    — Oui, mais quelle sorte de préservation ?
    — La préservation de l’opinion que la loi a fait naître en nous, par le moyen de l’éducation, sur les choses qui sont à craindre, leur nombre et leur nature.
    Platon, La République,
    livre IV, 429b-429c (13)
     
    Le commandant Callicles ressemblait à un ancien champion de boxe dans la catégorie des poids mi-lourds. Il avait une tête qui ressemblait à une salve de 105 toute plate, un gros cou tout brun, une énorme tignasse hérissée, les yeux injectés de sang, un mépris affiché pour les blaireaux. C’était le commandant en second du bataillon – le deuxième de la hiérarchie. Il se vantait d’avoir commencé en tant que sous-off, c’était un mordu de discipline. Il s’était accroché pour devenir officier, tout en évitant l’école militaire de West Point et en apprenant le métier à la dure.
    Avec un torse en forme de barrique – tonneau, bière, tout ça –, c’était l’un des derniers défenseurs acharnés d’un militarisme à la dure et rentre-dedans. Il avait fait une liste extrêmement détaillée de tout ce qu’il haïssait – les moustaches, la prostitution, la fumette, les rouflaquettes. Et comme ces quatre trucs étaient permis au Viêtnam, de manière tacite ou explicite, le commandant Callicles nourrissait une haine, qu’il était contraint de réprimer, pour tous ces trucs sournoisement gauchos qui contaminaient son armée.
    Les moustaches, même si elles étaient autorisées par le nouveau règlement, ont rapidement été déclarées illégales. Selon la rumeur, il avait toujours sur lui un vieux rasoir sanglant qu’il utilisait dès qu’il apercevait un petit bout de poil sortir de la peau.
    Après ça, il y avait la prostitution. Il s’agissait d’un scandale affligeant. Un bordel faisait fortune juste à côté de LZ Gator, la base d’artillerie du bataillon, et il marmonnait à tout bout de champ qu’il allait s’en débarrasser.
    Il faisait la chasse à la fumette et aux rouflaquettes à la manière d’un agent du FBI ; il coinçait les coupables avec le zèle d’un Jules César.
    — Des couilles, on l’entendait marmonner. Cette armée a vraiment besoin de couilles. Le bidasse américain s’est transformé en petite tapette. O’Brien, si tu me trouves un soldat avec des couilles, je te file mon boulot.
    Voûtant les épaules, il restait planté là, les jambes toutes raides ; il tenait son clope comme si c’était un stylo et il se retournait pour te mater d’un seul œil, d’un air renfrogné, en plissant les yeux.
    Trois mois après l’arrivée du commandant Callicles, les magazines Time, Newsweek et tous les autres canards qui couvraient le Viêtnam ont annoncé au monde entier le massacre de My Lai.
    Le massacre s’était produit en mars 1968. C’était un an avant mon arrivée ; plus d’un an et demi avant que Callicles décroche ce poste de commandant en second ; bien avant que notre bataillon se charge du coin de Pinkville My Lai, qui était auparavant sous la responsabilité de la 11 e  brigade du lieutenant Calley. Mais le commandant Callicles avait été profondément affecté par le poids de My Lai. Il en avait perdu le sommeil. Il avait perdu tout intérêt pour la fumette et la prostitution, et son gros visage tout brun s’était retrouvé criblé de veines rouges, une hémorragie causée par la douleur de My Lai. Tel le meilleur avocat, il portait sur ses épaules le poids de la défense, de la justification, du déni – toutes ces contradictions dans le même panier.
    Il a commencé par tenir la presse pour responsable :
    — Bordel, ces torchons, tu crois quand même pas toutes ces conneries, non ? Bon Dieu, réveille-toi, O’Brien ! Faut que
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