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Si je meurs au combat

Si je meurs au combat

Titel: Si je meurs au combat
Autoren: Tim OBrien
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et tout ce beau monde devait patienter bien sagement pendant que le commandant Callicles accomplissait son devoir.
    La nuit, il vadrouillait dans la base d’artillerie. Il vérifiait tout ce qui se trouvait dans le périmètre des bunkers et des dortoirs, allait au mess des officiers, où il picolait et misait son blé avant de refaire une tournée.
    Un soir, un toubib s’est tiré une balle dans le pied. Il devait partir sur le front le lendemain, et il était donc légitime de se demander s’il ne l’avait pas fait exprès. Ses potes l’ont transporté dans le baraquement qui faisait office d’infirmerie et ils l’ont installé sur un lit ; trente secondes plus tard, le commandant Callicles était là.
    — Espèce de bâtard, Tully, espèce de gros lâche, tu t’es tiré dessus, enfoiré, hein, espèce de petite merde ? T’es un lâche. Eh ben, putain, espèce de merdeux, je vais te lire tes putains de droits civiques, là, pendant que tu pisses le sang, pendant que tu te vides de tout ton pus et de toute ta merde, et t’as plutôt intérêt à me dire que tu captes ce qui se passe.
    Il a sorti un bouquin et a lu à Tully ses droits, selon lesquels il avait droit de garder le silence ou de faire appel à un avocat, et puis il a refoutu le bouquin dans sa poche et s’est penché en avant, sur la table. Là, il a regardé Tully droit dans les yeux.
    — Voilà, espèce de petite fiotte, tu comprends ? Je vais te poser des questions pendant que tu pisses le sang, et pis t’es pas obligé de répondre, mais ce qui est clair, c’est que tas plutôt intérêt, compris ?
    — Compris, a couiné Tully.
    Les toubibs étaient en train de découper sa botte.
    — Bordel, Tully, tu sais un peu avec qui t’es en train de causer, putain, espèce de grosse merde ? Avec le commandant Callicles, et le commandant Callicles, tu l’appelles « chef », compris ?
    — Oui, chef. Bon Dieu, ça fait mal, chef !
    — Merde, moi, je te le mordrais un bon coup, ce petit moignon plein de sang ! Qu’est-ce que tu croyais, bordel de merde ? Tu te tires dessus, tu te pointes un M-16 sur le pied et tu te fais sauter un bout d’orteil parce que t’as la trouille d’y aller et d’aider les gars qui se sont fait dégommer par les Charlies, et t’oses l’ouvrir parce que ça fait mal ? Oh, oh, ça fait mal ! Merde alors. Bon, Tully, maintenant, dis-moi un peu : est-ce que tu t’es tiré dessus ? Tu t’es tiré dessus, bordel de merde, pas vrai ?
    — Bon Dieu, ça fait mal ! J’étais juste en train de le nettoyer. Ça fait mal, bon Dieu, chef, tout ce que je…
    — Nettoyer, nettoyer, nettoyer, mon cul !
    Callicles a collé son pif contre la gueule de Tully, et Tully a essayé de tourner la tête de côté, mais Callicles s’est penché encore plus sur lui et gardait la bouche collée sur son pif.
    — Tu faisais dans ton froc à l’idée que t’allais te faire exploser la tronche, là-bas, pas vrai ? Alors tu t’es dit, bordel, un orteil, c’est que dalle, et pis tu t’es foutu un coup de fusil, et maintenant, tu vas aller vivre la vie de château, tu vas t’asseoir sur un lit d’hôpital, lire des bandes dessinées et boire de la bière, hein ? Mon cul ! Tully, mon cul, ouais ! Tu vas te retrouver en cour martiale, voilà où que tu vas te retrouver !
    — Un accident, chef.
    Il poussait des cris de douleur, s’étranglait.
    — Un accident ?
    — Oui, j’ai pas…
    — Espèce de sale menteur ! T’essaies d’entourlouper un commandant, hein, pédale ?
    De retour à son bureau, le commandant Callicles s’est mis à parler de courage :
    — Tu sais, O’Brien, quand on regarde bien, les mecs comme moi, si on s’engage, c’est parce qu’on a pour mission de montrer qu’il y a encore des gars qui ont du courage sur cette planète.
    Il a esquissé un sourire et plissé son nez, puis il a jeté un regard méchant.
    — C’est la vieille rengaine. Les tripes de se battre pour la bonne cause. C’est clair, c’est presque futile – comme le dernier type qui continue à se balader après la dernière explosion, juste pour montrer qu’il y a des survivants, n’empêche que c’est un truc dont on peut être fier. Vous, les gamins, vous me donnez la sensation d’être vieux. J’ai quarante-quatre ans, je suis une sorte de vieillard, dans l’armée. Mais j’en ai rien à foutre de savoir ce que dit la nouvelle culture, parce que les jeunes de ton espèce, vous
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