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Les chemins de la bête

Les chemins de la bête

Titel: Les chemins de la bête
Autoren: Andrea H. Japp
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parfois.
    Elle força un sourire :
    — Jamais, mon frère. Vous êtes si bon.
    Convaincu de sa gratitude et de son obéissance, il changea
de sujet :
    — Et ce petit vaurien toujours fourré dans vos jupes...
Comment s’appelle-t-il ? Je ne l’ai point vu.
    Agnès comprit immédiatement qu’il faisait référence à
Clément mais prétendit chercher pour se donner le temps de réfléchir à
l’attitude qu’elle devait adopter :
    — Un petit vaurien, dites-vous ?
    — Mais oui, cet orphelin que votre générosité vous a
conduite à garder auprès de vous.
    — Clément ?
    — C’est cela... Dommage que ce ne soit pas une fille.
L’abbaye de femmes des Clairets* n’est pas loin. Nous en aurions fait une
donnée à Dieu [13] ,
vous déchargeant ainsi d’une bouche supplémentaire.
    En suzerain, Eudes en aurait eu le pouvoir s’il l’avait
décidé. Agnès aurait dû se plier à sa volonté.
    — Oh... Clément n’est pas une charge, mon frère. Il se
contente de peu et est fort doux et silencieux. On le voit à peine mais il me
distrait parfois. (Certaine qu’il voudrait lui faire plaisir à peu de frais,
elle ajouta :) J’avoue qu’il me manquerait. Il m’accompagne lors des
tournées de mes terres et de mes communs.
    — Certes, trop doux et chétif pour en faire un soldat.
Un moine, peut-être, dans quelques années...
    Elle ne devait surtout pas contrer Eudes ouvertement. Il
faisait partie de ces imbéciles qui se butaient à la moindre opposition et
voulaient aussitôt contraindre les autres à la défaite. Un moyen bien commun de
se persuader de leur pouvoir. De la même voix mesurée, teintée de fausse
incertitude, Agnès persista :
    — S’il est assez doué, je compte en faire mon
apothicaire, ou mon mire. J’en aurais fort besoin. L’étude le captive et les
simples n’ont déjà plus de secrets pour lui. Cependant, il est encore jeune...
nous en discuterons le moment venu, mon frère, car je vous sais habile en
jugement des êtres.
    On prête aux enfants un infaillible instinct. Mathilde était
une inquiétante démonstration du contraire. Après le premier goûter de fruits
et de gâteaux, elle s’installa aux pieds de son oncle, babillant, ravie des
petits baisers qu’il déposait sur ses cheveux, de ses doigts qui se faufilaient
par l’encolure de son chainse [14] pour lui flatter le bas de la nuque. Les avantageuses anecdotes de chasse ou de
voyages de son oncle la fascinaient. Elle le dévorait du regard, un sourire
séduit étirant sa mignonne bouche. Agnès songeait qu’elle devrait bientôt
renseigner la fillette sur l’inavouable nature de son oncle. Mais comment s’y
prendre ? Mathilde adorait Eudes. Il lui paraissait si puissant, si
rayonnant, si merveilleux en somme. Il apportait entre les épais murs tristes
et froids du manoir de Souarcy la promesse d’un monde faste et facile qui
grisait sa fille au point de lui faire perdre la lucidité. Agnès ne pouvait lui
en tenir rigueur. Que savait-elle au juste du monde, cette encore petite fille
qui dans moins d’un an deviendrait une femme ? Elle n’avait connu que les
contraintes d’une vie de ferme, la boue des étables et des porcheries,
l’angoisse des récoltes, les vêtements grossiers, la terreur des famines et des
maladies.
    Une insupportable révélation frappa Agnès de plein fouet. Ce
qu’Eudes avait tenté avec sa demi-sœur, dès ses huit ans, il le reproduirait
avec sa nièce s’il en avait l’occasion. Que ce désir incestueux le tienne à ce
point terrorisait Agnès. Il ne manquait pas de paysannes ou de soubrettes à
trousser, certaines flattées de l’intérêt du seigneur pour leurs charmes,
d’autres, la plupart, résignées. Après tout, elles avaient déjà subi le père et
le grand-père avant lui.
    Prétextant l’heure déjà tardive, Agnès ordonna que l’on
couche sa fille. Où donc était passé Clément ? Elle ne l’avait pas revu
depuis l’arrivée d’Eudes de Larnay.

 
     
Forêt des Clairets, mai 1304
    Le large poitrail fonça vers lui. Un mur de fureur. Il
sembla au jeune moine qu’il demeurait planté là durant une éternité, à
contempler les muscles parfaits sous la robe noire collée de sueur. Pourtant,
le cheval n’avait fait que quelques pas. La voix résonna à nouveau :
    — La lettre, où se trouve la lettre ?
Donne-la-moi ! Je te laisserai la vie sauve.
    La main qui serrait les rênes était terminée de longues
serres de métal
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