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Les chemins de la bête

Les chemins de la bête

Titel: Les chemins de la bête
Autoren: Andrea H. Japp
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garçon, guère plus âgé que douze ans, sauta de
selle comme si on l’avait mordu.
    — Eh bien, mais... réveille-toi ! La peste soit de
la lenteur, ragea Eudes.
    Le garçon affolé s’activa autour du chargement qui
alourdissait sa monture de bât.
    En suzerain, Eudes précéda sa sœur dans la vaste salle à
manger, si fraîche que la pire canicule parvenait à peine à la réchauffer.
Mabile avait dressé la table et attendait les ordres, le dos appuyé contre un
mur, les mains jointes sur son tablier, la tête baissée. Agnès remarqua qu’elle
avait eu le temps de changer de bonnet.
    — Va donc me chercher une aiguière, que je me rince les
doigts, lui ordonna Eudes sans même lui jeter un regard.
    Dès que la fille fut partie, il demanda à Agnès :
    — En êtes-vous satisfaite, mon agnelle ?
    — Oh, elle est docile et bien courageuse, mon frère.
Cependant, je crois que le service de votre maison lui manque.
    — Bah... Nul ne requiert sa préférence. Bon Dieu, je
meurs de faim ! Allons, ma radieuse, apprenez-moi les nouvelles de votre
coin de terre.
    — Bien peu de choses en vérité, mon frère. Nous avons
quatre nouveaux cochons, nés ce printemps, et l’épeautre et le seigle ont
jusque-là bonne figure. On peut en espérer le mieux, si les incessantes pluies
que nous avons connues ces dernières années nous épargnent. Quand je pense
qu’il y a moins de quinze ans, l’Alsace récoltait ses fraises en janvier !
Mais je vous ennuie avec mes récriminations de fermière. Votre nièce (elle
désigna Mathilde d’un geste) bouillait d’impatience de vous revoir enfin.
    Il tourna la tête vers la fillette qui tentait sans grand
succès d’attirer son attention par des sourires et de petits soupirs.
    — Mais qu’elle est donc jolie, avec son petit minois et
ses beaux cheveux couleur de miel fin ! Et ces grands yeux de rêveuse. Que
d’émois vous provoquerez sous peu, ma mie.
    La fillette ravie se plia en une gracieuse révérence. Son
oncle poursuivit :
    — C’est tout votre portrait, Agnès.
    — Je trouve au contraire qu’elle vous ressemble
enfant... pour mon plus grand plaisir. Il est vrai que l’on aurait pu nous
prendre pour des jumeaux, n’eut été votre force.
    Elle mentait effrontément. Ils n’avaient jamais eu de commun
que la couleur cuivre doré des cheveux. Eudes était un homme trapu, aux traits
lourds, au menton carré, au nez trop saillant et à la grande bouche mince qui
semblait un coup de serpette lorsqu’elle ne béait pas sur une insulte ou une
grivoiserie.
    Il devint soudain si sérieux qu’elle se demanda si elle
n’avait pas manqué de subtilité. Les yeux toujours rivés sur sa demi-sœur, il
demanda d’un ton doux à la fillette :
    — Voulez-vous m’octroyer grande faveur, ma
mignonne ?
    — Rien ne me plairait davantage, mon oncle.
    — Courez donc voir ce que devient ce paresseux de page.
Il met bien longtemps à débâter son cheval et à m’apporter ce que j’attends.
    Mathilde virevolta et fonça vers la cour. Eudes reprit d’un
ton douloureux :
    — N’eut été votre amabilité, Agnès, je vous en aurais
voulu pour le chagrin que causa votre naissance à ma mère. Quel désaveu, quel
camouflet pour cette femme si pieuse et si parfaite.
    La sortie rassura Agnès, qui redoutait qu’il ait détecté sa
rouerie. Il se débrouillait toujours, lorsqu’il la visitait, pour lui rappeler
de façon bien grossière sa magnanimité de garçonnet, oubliant comme il l’avait
rabrouée, malmenée, tant que le baron Robert n’avait ordonné qu’on la traitât
en demoiselle. Étrangement, la baronne Mathilde s’était prise d’une grande
affection pour la fillette adultérine, dès la mort de sa mère, survenue après
ses trois ans. Elle lui avait enseigné par amusement à lire et à écrire, le
latin, quelques rudiments d’arithmétique et de philosophie, sans oublier ses
deux grandes passions : la couture et l’astronomie.
    — Votre mère est mon ange, Eudes. Je ne la remercierai
jamais assez dans mes prières de toutes ses bontés à mon égard. Son souvenir
toujours vivace auprès de moi m’est d’un constant réconfort.
    Les larmes lui montèrent aux yeux, des larmes qui, pour une
fois, n’étaient pas de stratégie, mais de douceur et de chagrin.
    — Quel butor je fais, mon agnelle ! Pardonnez-moi.
Je sais tout de votre sincère attachement à ma mère. Allons, ma belle,
pardonnez au rustre que je suis
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