Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La cote 512

La cote 512

Titel: La cote 512
Autoren: Thierry Bourcy
Vom Netzwerk:
pencha vers Célestin.
    — Faut me libérer, patron.
    — Qu’est-ce que tu racontes ?
    — Je vais aller me battre, moi aussi. Je serai plus utile au front qu’en prison.
    — Tu seras peut-être moins tranquille.
    La Guimauve haussa les épaules. Le jeune policier prit ses clefs et ouvrit les menottes.
    — Est-ce qu’il faut que je vous dise merci ?
    — Tu fais comme tu veux. Ce n’est pas toi qui vas te faire enguirlander par tes supérieurs.
    — Bientôt j’en aurai, moi aussi, des gens qui vont me commander. Je sais pas si je vais m’y faire.
    — Alors t’auras juste échangé la Santé pour une forteresse militaire : c’est question de goût. Si tu ne te fais pas fusiller.
    La Guimauve se frotta les poignets et, sur un signe de Célestin, descendit du fiacre. Le policier le suivit et régla le cocher.
    — On va continuer à pied. J’ai laissé votre journal sur le siège.
    — Vive la France ! répéta le trimballeur avant de redémarrer.
    La Guimauve passait d’un pied sur l’autre, embarrassé. Il grimaça un sourire.
    — Ben… merci.
    — À la revoyure, Chapoutel. Fais gaffe à ta couenne, et que je t’y reprenne pas.
    En quelques secondes, le malfrat se perdit dans la foule silencieuse qui avait envahi les trottoirs, cherchant dans le contact avec les autres d’impossibles réponses aux questions que tout le monde se posait. Les phrases échangées entre inconnus étaient pourtant brèves, rares, et faisaient comme un immense murmure qui traversait la ville. En marchant vers le quai des Orfèvres, Célestin fut surpris par ce calme lourd fait d’hésitation et de désœuvrement. C’était comme un jour de fête sans joie, comme un jour de deuil sans tristesse. La gravité ne quittait les visages que le temps d’un cri, d’une acclamation, lorsqu’une automobile d’officiers passait dans la rue, lorsqu’un groupe de soldats se pressait vers une gare. Sur l’île de la Cité, quelques badauds appuyés au parapet de pierre acclamaient un étudiant qui, à l’avant d’une petite barque, agitait un grand drapeau français. Célestin salua le planton de garde et grimpa le vieil escalier que personne ne prenait plus la peine de cirer. Il partageait un petit bureau mal éclairé avec un autre inspecteur, Raymond Georges dit Bouboule, un gros type jovial qui mangeait du matin au soir tout ce qui lui tombait sous la main. Quand Célestin entra, Raymond était en train de terminer un croissant qu’il trempait salement dans une tasse de café, tout en lisant un document étalé devant lui.
    — On nous laisse le choix, Célestin. On peut partir, mais on peut aussi rester ici, des flics, il y en a toujours besoin.
    Célestin jeta un coup d’œil sur le formulaire officiel, accrocha son chapeau au perroquet et s’assit face à son collègue.
    — Moi, je pars.
    — T’es dingue. Tu veux aller te faire tuer ?
    — Je ne me sens pas de rester ici quand les copains seront en première ligne.
    Raymond haussa les épaules.
    — C’est toi que ça regarde.
    — Il n’y a pas que lui que ça regarde.
    Les deux inspecteurs se tournèrent vers leur chef, Auxence Minier, un grand gaillard au cou de taureau qui venait d’entrer dans la pièce.
    — Si tu pars, Célestin, je perds un de mes meilleurs éléments.
    — Merci pour moi ! fit Raymond.
    — Toi, Raymond, tu manges trop : tu as du mal à courir.
    Il se tourna vers Célestin.
    — Alors c’est sûr ? Tu nous laisses tomber ?
    — Je ne suis pas indispensable, patron.
    — Sans doute que non, mais ça va pas être drôle, ici. S’il y a le moindre problème de ravitaillement, d’épidémie, de panique… Et je te passe les espions en tous genres, les putes et les escrocs !
    — Et la solidarité nationale ?
    — Qu’est-ce que tu crois, Louise ? C’est comme d’habitude, chacun pour soi et Dieu pour tous ! Tâche de pas t’en prendre une !
    Minier esquissa un sourire, envoya une bourrade chaleureuse à son adjoint et quitta le bureau. Célestin s’en tirait bien : personne ne lui avait demandé comment s’était passée l’arrestation de La Guimauve.
    Célestin Louise habitait une petite chambre au dernier étage d’un vieil immeuble du Marais, une construction ancienne qui lui épargnait l’humiliation de l’escalier de service. La concierge, une vieille Bretonne bourrue, Anna Le Tallec, l’aimait bien : ça peut toujours être utile d’avoir un policier dans l’immeuble. Et
Vom Netzwerk:

Weitere Kostenlose Bücher