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La cote 512

La cote 512

Titel: La cote 512
Autoren: Thierry Bourcy
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Joséphine, tu es une princesse.
    — C’est pas la même chose.
    Une dernière fois, il la prit dans ses bras et passa la main sur la douceur de sa peau, les courbes de son corps. Une dernière fois il l’embrassa et la laissa silencieuse et nue dans la lumière de l’aube. Il ne lui avait rien dit de lui, son prénom seulement, mais sans qu’il pût l’expliquer, il savait qu’elle avait deviné le reste, et qu’il était flic aussi. La journée s’annonçait magnifique. Il prit une grande inspiration et traversa le terrain vague. Une vieille femme assise démêlait des fils de fer qu’elle avait entassés dans le creux de sa robe. Elle s’interrompit pour le regarder s’éloigner, elle avait le visage sévère d’une idole païenne. Au loin, l’immense usine d’automobiles avalait les premières cohortes d’ouvriers. Bientôt, ceux-là aussi partiraient pour le front. Est-ce que tout allait s’arrêter ?

Chapitre 2
EXERCICES ET MANŒUVRES
    La gare d’Orléans donnait le spectacle d’une effroyable cohue. La nuit d’amour avait mis Célestin sur un nuage et les bruits de la foule, les éclats de rires, les cris, les souffles de vapeur des locomotives, les coups de sifflet, lui parvenaient amortis, comme filtrés par la douce fatigue qui l’envahissait. Les soldats appelés, la plupart en civil, s’entassaient dans les trains, emportant avec eux des provisions de nourriture et des bouteilles de vin rouge. Les femmes, jusqu’au dernier moment, s’accrochaient à leurs bras, fières et inquiètes du courage et de la désinvolture de leurs fiancés. Quelques mères étaient là aussi, plus discrètes, plus graves, avec déjà le chagrin au cœur. Il y avait partout des uniformes, des officiers pleins de morgue, et tout un tas de gens affairés portant des brassards plus ou moins fantaisistes de toutes les couleurs : en ces temps d’alerte, il fallait faire partie d’un groupe, d’une ligue, d’une association, à défaut de partir immédiatement pour le front. Le prochain train pour Orléans démarrait du quai numéro deux. Célestin, jouant des coudes, se fraya un chemin jusqu’aux premières voitures. Une silhouette qu’il connaissait se glissa devant lui, frôlant les voitures et les gens. Le policier lui mit la main sur l’épaule.
    — Tu aimes toujours autant la foule, Germain ?
    Le type se retourna, il n’avait pas vingt ans, un petit visage pointu et deux yeux mobiles, à l’affût. Il eut un mouvement de recul en reconnaissant Célestin, puis sourit.
    — Faut pas croire, mon inspecteur, je pars à la guerre, moi aussi.
    — Et t’en profites pour barboter quelques portefeuilles ?
    — Je ferais pas ça, on est tous dans la même galère, au jour d’aujourd’hui.
    — Tu vas à Orléans ?
    — Oui, 134 e d’infanterie.
    — Alors on fait le voyage ensemble.
    Le pickpocket eut l’air embarrassé.
    — Faut pas le prendre mal, mais je préfère pas. Un gendarme et un voleur, vous comprenez, ça va pas très bien ensemble.
    — Mais c’est toi-même qui l’as dit : maintenant, on est deux soldats.
    — N’empêche : il faut que je m’habitue.
    Il fit un petit signe de la main et disparut dans la foule. Célestin l’avait embarqué à deux reprises, mais Germain ne semblait pas lui en vouloir plus que ça : au contraire, le jeune voleur avait du respect pour le policier, un respect prudent et sans amitié, mais qui garantissait comme une règle du jeu. Profitant d’une portière ouverte et miraculeusement libre, Célestin se hissa à bord du train. Dans l’étroit couloir, c’était la bousculade, on se pressait, on se marchait sur les pieds, on s’injuriait, on poussait des jurons bien sentis. Tout ça sentait la vinasse, la cuite mal digérée, le tabac gris et la sueur. Célestin se félicita de n’avoir pas pris de bagages. Il réussit à se glisser jusqu’à un compartiment dont toute une moitié était restée libre. Surpris, il se jeta pourtant sur la banquette et se retrouva face à deux colosses maussades qui le regardaient de travers.
    — Tire-toi d’ici.
    — Excusez-moi, messieurs, mais vous n’avez pas le monopole de ce compartiment.
    — On veut dormir, alors tu te tires.
    — Je ne ferai pas de bruit.
    — Et puis ça va maintenant, tu nous as assez cassé les pieds ! s’écria le plus costaud en sortant un couteau. Tu disparais ou je te saigne.
    — Tu ne me fais pas peur, tête de veau.
    L’autre en rougit de colère.
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