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La cote 512

La cote 512

Titel: La cote 512
Autoren: Thierry Bourcy
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Chapitre 1
LA GUERRE
    Célestin Louise serra le manche de la matraque courte qu’il emportait toujours avec lui et qu’il préférait au revolver réglementaire. Il aimait mieux, au pire, prendre un mauvais coup plutôt que de tirer sur un malfaiteur, au risque de tuer un pauvre type aux abois, ce que certains de ses collègues n’hésitaient pas à faire. Célestin était grand, mince, il avait les cheveux châtains coupés court, un visage glabre aux pommettes saillantes et aux yeux d’un bleu pâle que la colère, parfois, venait encore éclaircir. Depuis six heures du matin, le jeune homme était en planque dans cette impasse du septième arrondissement où deux façades haussmanniennes conduisaient à une grille ouvragée donnant sur un petit jardin. Une allée toute droite, entre deux carrés de pelouse verte impeccablement taillée, menait à un large perron en bas duquel deux lions endormis dans leur pierre trônaient, indifférents, sur leurs socles en demi-cercles. D’où il était, Célestin ne distinguait, à travers les barreaux de la grille, que le gris des marches et, plus haut, les reflets des vitres de la porte d’entrée.
    Il avait soudoyé la concierge d’un des immeubles de l’impasse pour pouvoir s’installer dès l’aube à l’affût derrière une vitre. Il faisait confiance à son indicateur, Amélie Gaigneux, une pauvre femme qui survivait entre la prostitution et des petits travaux mal payés, et qui redoutait par-dessus tout d’aller en prison, où elle serait définitivement séparée de sa petite fille. D’après elle, Octave Chapoutel, dit La Guimauve, un cambrioleur astucieux qui avait déjà filé plusieurs fois entre les doigts de la police, avait décidé de visiter l’hôtel particulier de la Melba, la fameuse cantatrice à laquelle le grand chef Escoffier avait dédié son dernier dessert. Le malfaiteur était bien renseigné ; l’artiste était en tournée en Amérique du Sud pour trois semaines, après quoi elle irait prendre ses quartiers d’été à Venise. L’hôtel était gardé par un vieux couple dont le mari avait été hospitalisé la semaine précédente.
    Célestin vit la gardienne quitter le jardin et sortir de l’impasse, son panier à provisions sous le bras. Il n’était pas le seul à guetter sa sortie : la silhouette longiligne de La Guimauve vint en rasant les murs se coller à la grille. Quelques gestes précis, l’éclat métallique d’un passe-partout et déjà le cambrioleur grimpait les marches du perron. Célestin fit un geste rassurant à la concierge qui l’abritait et sortit sans faire de bruit. À son tour, après s’être assuré que le cambrioleur avait disparu à l’intérieur de l’imposant bâtiment, il pénétra dans le petit jardin et se posta à l’ombre des marches, flattant de la main le flanc de pierre d’un des lions. Il avait vérifié, l’immeuble ne possédait que cette issue : erreur fatale à La Guimauve. Celui-ci devait savoir également qu’il disposait de très peu de temps, car à peine une dizaine de minutes plus tard, il reparut sur le perron, le visage barbouillé de noir et portant sur l’épaule un grand sac qu’on pouvait croire rempli de charbon. La rampe de pierre était trop haute pour permettre à Célestin d’intervenir en sautant par-dessus, et il dut attendre que le malfaiteur parvînt en bas des marches. Il lui prit fermement le bras.
    — Tu es fait, Chapoutel, inutile de résister.
    La Guimauve, qui ne partageait pas cette opinion, envoya d’un coup d’épaule son sac au visage du jeune policier qui, pendant une demi-seconde, relâcha sa prise. Le cambrioleur, escaladant à toute vitesse les marches, disparut à l’intérieur de l’hôtel particulier. Sans hésiter, Célestin se lança à sa poursuite. Le perron donnait dans un grand hall, duquel partait vers les étages un large escalier de marbre. De chaque côté, deux portes. L’une d’elles à droite, ornée de petits carreaux, était encore entrouverte et menait à un salon. Le jeune homme, tenté de s’y engouffrer, s’immobilisa pourtant au milieu du hall. Le temps de voir une autre porte, en face, s’entrebâiller. Oubliant le salon, il se précipita sur sa gauche et fit irruption dans une vaste bibliothèque. Un rayon de soleil, passant par-dessus le mur qui fermait, à l’arrière de la maison, un jardinet avec pièce d’eau, soulignait, sur les plus hautes étagères, l’éclat fauve des reliures. Un grand
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