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La cote 512

La cote 512

Titel: La cote 512
Autoren: Thierry Bourcy
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et leva enfin les yeux sur Célestin. Son visage s’adoucit en un beau sourire.
    — Merci, monsieur. Je ne sais comment…
    — Il n’y a pas de quoi, madame. Vous avez vérifié qu’il ne manque rien ?
    La jeune femme ouvrit son sac et y jeta un rapide coup d’œil.
    — Non, tout est en place.
    Elle eut un moment d’embarras.
    — Je sais que l’ordinaire des soldats n’est pas formidable. Si vous voulez… je peux vous faire à manger.
    — Vous êtes sûre que cela ne vous dérange pas ?
    — Non, je vous assure. Mon mari est à la guerre, il est parti dès les premiers jours, et je suis sans nouvelle. D’une certaine façon, vous me rapprochez de lui.
    — Dans ce cas…
    Ils marchèrent côte à côte dans la nuit de la ville, des cris de soldats en goguette résonnaient parfois au bout d’une rue. Ils gagnèrent ainsi un quartier plus calme, plus résidentiel, où s’élevaient des immeubles cossus.
    — C’est curieux, tous ces soldats, cette année, toute cette agitation. Je ne m’attendais pas à cela.
    — Nous ne sommes pas tous des voleurs, madame, rassurez-vous.
    — Je sais bien, puisque vous êtes là. Et puis… je vais vous faire une confidence… il y a aussi un jeune officier qui me fait un peu la cour. Il sait pourtant que je suis mariée, mais cela ne le gêne pas.
    — Et vous, cela vous gêne-t-il ?
    — Je n’ai pas le cœur à le repousser franchement. Et puis lui aussi me rappelle mon mari. Mais qu’allez-vous penser de moi… La guerre nous met la tête à l’envers, n’est-ce pas ?
    Elle s’arrêta et se tourna vers Célestin.
    — Vous croyez qu’il y a beaucoup de morts ? De blessés ? On ne peut rien savoir, on nous dit seulement que l’état-major est confiant. Et pourtant, ce sont bien les Allemands qui ont avancé, et on a eu du mal à les arrêter, non ? Moi, je n’ai pas confiance, je n’aurai confiance que lorsqu’il reviendra.
    Célestin, qui connaissait lui aussi les nouvelles désastreuses du front, ne trouvait pas les mots pour la rassurer. Il se contenta de hocher la tête en esquissant un sourire. Ils reprirent leur marche et entrèrent dans un des immeubles. La jeune femme habitait au deuxième étage. L’appartement était confortable, meublé avec goût et dégageait une telle impression d’intimité que Célestin se sentit gêné, comme s’il avait surpris les secrets du couple. Son hôtesse s’appelait Anaïs Farel, elle était la fille d’un grand architecte de la ville. Elle avait épousé un de ses jeunes assistants, Sylvère, dont la photographie trônait sur la cheminée. Celui-ci avait été mobilisé et envoyé au front comme officier du génie. Anaïs se rassurait en se disant qu’il était sans doute moins exposé que les autres, qu’il ne s’occupait que des transports, des ponts, des routes. Elle cherchait près de Célestin une confirmation, une assurance, mais le jeune homme n’en savait pas plus qu’elle, moins, sans doute. Elle lui prépara un dîner simple, mais délicieux, accompagné d’un vieux vin de Bourgogne. Célestin commençait à voir la vie sous un jour moins sombre et à se laisser prendre à la douceur inattendue de la soirée lorsqu’on frappa à la porte. Un instant, Anaïs parut gênée, puis elle s’excusa et alla ouvrir. Elle revint avec un jeune homme, Célestin distingua d’abord l’uniforme de lieutenant avant de reconnaître son compagnon de voyage, Paul de Mérange. Il salua, embarrassé. Le jeune officier, lui, ne l’était nullement. On eût dit au contraire que la situation l’amusait. Anaïs voulut faire les présentations, Paul y coupa court :
    — Nous nous connaissons. Nous étions dans le même compartiment de train, en venant de Paris. Heureux de vous revoir, monsieur Louise.
    Anaïs eut un moment d’hésitation, elle échangea un regard avec Célestin qui avait forcément reconnu en Paul le nouveau soupirant de la jeune femme. Célestin sourit, s’inclina et annonça qu’il devait rentrer.
    — Je ne vous chasse pas ? demanda Paul avec un brin d’ironie.
    Célestin bredouilla de vagues explications et se retira. Anaïs le raccompagna à la porte en le remerciant.
    Dans la rue qui le ramenait au casernement, le jeune policier pensait à ce couple surprenant que la guerre, en quelques jours, avait formé. Anaïs avait raison : ce désastre mettait les têtes à l’envers. Les têtes et les cœurs. Il marchait lentement quand il entendit quelqu’un qui
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