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À La Grâce De Marseille

À La Grâce De Marseille

Titel: À La Grâce De Marseille
Autoren: James Welch
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ou deux. Les éclaireurs surveillaient l’approche des Longs Couteaux qui n’étaient jamais bien loin. Le gibier abondait à cette époque, et le peuple ne connaissait pas la souffrance. Wakan Tanka, le Grand Mystère, chevauchait à ses côtés. Les Oglalas paraissaient presque euphoriques, comme s’ils savaient qu’ils vivaient leurs derniers jours de liberté et qu’ils aient décidé d’en profiter. Ils avaient remporté une grande victoire et ils étaient préparés à en subir les conséquences, même si la mort devait vivre auprès d’eux. Charging Elk, en dépit de sa jeunesse, sentait tout cela et n’avait jamais été aussi proche de sa famille, de son peuple, de sa terre. Il s’accrochait à tout, à chaque nouveau paysage, à chaque nuit sous les étoiles dans le tipi de son père.
    Quand le temps changeait, tout changeait. Les bisons semblaient disparaître dès la première neige, les cerfs, les orignaux, et même les lapins et les grouses se faisaient rares, tandis que le vent mordant soufflait sans discontinuer. Beaucoup tombaient alors malades, certains mouraient, et tous craignaient ce qui les attendait. Lorsque, cet hiver-là, les soldats rattrapèrent enfin la bande de Crazy Horse sur la Powder River, les Indiens réussirent à s’échapper à la faveur d’un blizzard avec peu de pertes, mais, autour des maigres feux, la balance penchait désormais du côté de ceux qui préféraient se rendre au fort de la White Earth River plutôt que de rester libres, ce qui se réduisait à devoir fuir, toujours fuir. Crazy Horse se refusait à entendre ce discours. Il commença à passer de plus en plus de temps hors du campement, à chevaucher seul au milieu des collines – certains disaient qu’il était en quête d’une vision qui permettrait de sauver la tribu, d’autres pensaient simplement qu’il ne tenait pas à être témoin de leurs souffrances. Le propre père de Charging Elk affirmait que Crazy Horse était trop têtu pour faire un bon chef, qu’il plaçait sa fierté avant le bien-être des siens. Charging Elk et ses amis avaient cependant juré de suivre Crazy Horse, y compris dans la mort s’il le demandait. Comme la plupart des jeunes, ils l’idolâtraient et croyaient qu’il ferait un miracle quand le printemps viendrait. Il les conduirait dans un pays sans hommes blancs, un pays où abonderaient les cornes-noires, les baies et la bonne eau. Il y aurait de nombreux chevaux ennemis à capturer, de nombreux ennemis à frapper.
    Mais ce printemps-là, Crazy Horse mena le peuple épuisé, déguenillé, à Fort Robinson et à l’Agence de Red Cloud. Ils remirent leurs chevaux et leurs armes, tout sauf leurs habits, leurs ustensiles de cuisine et leurs tipis. Le morceau de papier signé par les chefs était daté du 6 mai 1877. Quatre mois plus tard, pendant la lune-du-veau-noir, les soldats tuèrent Crazy Horse, aidés par des gens de son propre peuple.
    Charging Elk soupira et ouvrit les yeux. Le plateau et la femme avaient disparu. Deux hommes en costume se tenaient au pied de son lit et le regardaient.
    « Bonjour, dit l’un d’eux.
    — Hello », fit l’autre.
    Charging Elk reconnut les deux formules de salutations, mais demeura silencieux.
    « Charging Elk ? » reprit le deuxième.
    L’Indien réfléchit un instant. Tout en sachant qu’on ne le comprendrait pas, il demanda depuis combien de temps il était dans la maison des malades. Les deux hommes échangèrent un regard. Celui qui avait dit « hello », vêtu d’un épais costume marron, arborait une moustache qui frisait aux coins de sa bouche, et l’autre portait un costume noir bien coupé, la cravate soigneusement nouée entre les deux pointes de son col.
    « Vous parlez anglais ? américain ? » L’homme en costume marron se pencha au-dessus du lit, et répéta plus fort : « Américain ? Vous parlez américain ? »
    Charging Elk, se désignant du doigt, répondit : « Américain. Lakota. » Puis, alors qu’il cherchait ce qu’il pourrait ajouter, il se rappela comment il était arrivé ici. « Pahuska. Buffalo Bill. » Puis il se souvint du Lakota qui avait été désigné chef des Indiens de la troupe. Il n’avait en réalité aucun pouvoir sur eux – le pouvoir étant exercé par les chefs blancs –, mais les wasicuns, les voleurs, l’aimaient bien parce qu’il était très beau et que ses vêtements de daim étaient brodés de perles. Il ne doutait pas que ces hommes le
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