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À La Grâce De Marseille

À La Grâce De Marseille

Titel: À La Grâce De Marseille
Autoren: James Welch
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composé de respirations, de ronflements, de toux et de gémissements. Comme le cliquetis se rapprochait, il se souleva sur un coude. Son corps lui parut alors moins lourd que dans les ténèbres.
    S’avançant entre les lits, la jeune femme jeta un coup d’œil dans sa direction, puis s’arrêta. Au contraire de celles qui donnaient à manger, elle portait une coiffe raide avec deux espèces d’ailes et un tablier qui lui montait jusqu’aux épaules sous lequel dépassait une longue robe grise aux manches étroites. Une croix en or pendait au bout d’une chaîne enroulée autour de son cou. Charging Elk avait déjà vu des croix de ce genre sur d’autres gens, et il se rappelait vaguement où. Son intérêt s’éveilla.
    « Bonjour, monsieur (1)  », dit-elle, venant se placer à côté de son lit. Charging Elk connaissait ces deux mots, mais pas ceux qu’elle prononça pendant qu’elle tendait le bras pour tapoter son oreiller. Elle l’aida ensuite à s’adosser. Un éclair de souffrance lui traversa le flanc, puis s’atténua pour faire place à une douleur plus sourde. La jeune femme lui adressa encore quelques paroles. Il constata qu’elle avait les yeux bleus et que ses cheveux ramenés sous sa coiffe étaient d’une teinte ocre.
    Elle fit le geste de porter la main au masque qui lui couvrait en partie le visage. Elle le répéta à deux reprises, jusqu’à ce qu’il comprenne. Il hocha alors la tête comme il avait vu les hommes blancs le faire. La jeune femme s’éloigna.
    Ainsi installé, il distinguait mieux ce qui l’entourait. Il apercevait par la fenêtre un bâtiment dont le toit était tout doré. Au-dessus, le ciel virait du gris au bleu. L’oiseau qui dodelinait de la tête en marchant avait disparu. Regardant autour de lui, il vit de nombreux lits alignés contre les deux murs, tous occupés par des gens. Certains étaient adossés comme lui, d’autres dormaient sous les couvertures. Il percevait l’odeur humide et terreuse des corps mêlée à l’odeur âcre de la médecine wasicun. Il n’y avait que des hommes, et que des hommes blancs. Eux aussi étaient dans la maison des malades. Mais la maison, où était-elle ?
    La jeune femme revint avec un verre de jus d’orange sur un plateau. Pendant qu’il le buvait, il remarqua des petits plis aux coins des yeux de la femme, et il songea qu’elle souriait peut-être sous son masque. Il reposa le verre sur le plateau, puis, désignant sa bouche, il fit signe qu’il avait faim. La femme fronça les sourcils. Charging Elk répéta son geste, et les sourcils s’arquèrent. Elle se pencha et tapota une petite montre épinglée à son tablier en prononçant quelques mots. Charging Elk hocha la tête. Il connaissait ces instruments à mesurer le temps des wasichus. Il désigna de nouveau sa bouche, et la femme dit : « Oui, oui », avant de repartir.
    Charging Elk se cala contre son oreiller et attendit la nourriture. L’un des hommes en face de lui repoussa ses couvertures et s’assit au bord de son lit. Il resta ainsi un moment. Il avait le visage couvert d’une barbe de plusieurs jours, une barbe noire qui lui donnait le teint aussi blanc que le mur derrière lui. Il se leva, agrippé au montant du lit en fer, puis attrapa une robe de chambre suspendue à un crochet. Charging Elk tourna la tête et constata qu’un vêtement identique était accroché au-dessus de son lit. Voyant l’homme glisser ses pieds dans des espèces de chaussures informes, il pensa qu’il en avait peut-être lui aussi.
    L’homme, s’éloignant de la lumière jaune, traversa la salle en s’arrêtant de temps en temps pour se reposer, appuyé contre le montant d’un lit, puis il poussa une porte battante et disparut.
    Charging Elk sentit renaître l’espoir. Rien ne l’empêchait d’enfiler des chaussures pareilles et de sortir. Il allait d’abord manger pour reprendre des forces, puis il partirait. À cette pensée, un sentiment de peur l’étreignit. Où pourrait-il trouver refuge ? Il contempla ses mains brunes posées sur la couverture le long de son corps. Il n’était pas du peuple de ces gens. Il n’était pas de la même couleur et il ne parlait pas leur langue. Son pays était quelque part très loin d’ici. Et lui, il était là, seul, dans cette maison des malades. Il s’efforça de lutter contre la panique qui le gagnait en ravivant ses souvenirs. Il se rappela la nuit et il se rappela les lumières étincelantes, le
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