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À La Grâce De Marseille

À La Grâce De Marseille

Titel: À La Grâce De Marseille
Autoren: James Welch
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son d’une voix qui, forte et claire, s’élevait au milieu de nombreuses voix. Quand la voix forte parlait, les autres se muaient en un sourd rugissement, jusqu’à ce que les lumières se mettent à danser et que, soudainement, brutalement, il sombre dans les ténèbres.
    «  Monsieur ? Monsieur  ? »
    Charging Elk ouvrit les yeux.
    « Votre petit déjeuner, monsieur. »
    Une jeune femme lui posa un plateau sur les genoux. Il contenait un bol d’une espèce de bouillie blanche, un morceau de pain du matin rassis et un verre de jus d’orange. La femme lui installa ensuite un carré de tissu sur la poitrine, puis elle s’assit sur un tabouret à côté du lit et plongea une cuillère dans la bouillie. Lorsqu’elle voulut la porter à la bouche de Charging Elk, ce dernier lui écarta le bras. Elle dit quelque chose sur un ton indiquant qu’elle était habituée à ce genre de comportement. Charging Elk reconnut à ses yeux gris-vert la femme qui lui avait donné pour la première fois de la soupe. Doucement, il lui prit alors la cuillère des mains, examina la bouillie, la sentit et se décida à en prendre une petite bouchée. Elle n’avait aucun goût, n’était ni sucrée, ni épicée, mais elle coula dans sa gorge et lui réchauffa le ventre. Il en mangea encore un peu, puis, avec un signe de tête, demanda : «  Café.
    —  Non, non, monsieur », dit la femme d’une voix excitée. Elle ajouta quelque chose, puis se frotta le ventre et agita l’index.
    « Café », répéta-t-il.
    Elle commença une phrase, puis s’interrompit. Un instant plus tard, elle se leva et se dirigea à grandes enjambées vers l’extrémité de la salle où, la nuit précédente, avait brillé la lumière jaune. Charging Elk la suivit un moment des yeux. Après quoi, à l’aide de la lourde cuillère de fer, il se mit à manger. Il laissa la moitié du bol, mais but tout le jus d’orange. En revanche, il ne toucha pas au pain dur – il en avait déjà vu : un petit morceau bombé sur le dessus et plat en dessous qui évoquait le signe pour le lever du soleil –, attendant de le tremper dans son pejuta sapa, sa médecine noire.
    Il pensa au lever du soleil en d’autres lieux. Un endroit qui offrait des vues au loin sur l’herbe rase et les pâles nuages de poussière, sur quelques hommes et sur un paysage nu, sans bâtiments. De nombreuses fois, il avait vu le soleil se lever sur les plaines ondoyantes, alors qu’il était dans le soleil et que le soleil était dans lui, alors qu’il était parmi son peuple.
    Au souvenir des ikce wicasa, les hommes de la nature, le nom que les gens de sa tribu se donnaient, Charging Elk poussa un gémissement. Il se rappelait sa mère et son père, son frère et sa sœur. Il se rappelait les villages, les campements, tel endroit, puis tel autre. Les femmes qui cueillaient des baies, les hommes qui revenaient avec de la viande, les chiens et les chevaux, les rires ou les larmes des enfants, le plaisir d’être couché dans le tipi ensoleillé, les peaux roulées pour laisser pénétrer un souffle d’air. Il était lui aussi un enfant en ce temps-là, et il passait ses journées à galoper sur son cheval, à jouer, à décocher des flèches contre des écureuils, à manger la soupe de baies sauvages que sa mère préparait.
    Il se rappelait la grande bataille contre les Longs Couteaux sur l’Herbe Grasse, les corps blancs et nus sur lesquels les femmes comptaient les coups avec leurs haches et leurs couteaux à dépecer. Il s’était battu avec ses deux amis, Liver et Strikes Plenty, pour la possession de la bague d’un soldat, ornée d’une agate. Ils lui avaient coupé le doigt pour la prendre, mais Yellow Hand, l’un des garçons plus âgés, se l’était appropriée.
    Charging Elk se rallongea et ferma les yeux. Il avait été fier d’être un Oglala et il croyait qu’ils ne se rendraient jamais. Les jeunes parlaient de Crazy Horse, comment il les conduirait loin des Longs Couteaux. Ils grandiraient et deviendraient des chasseurs, ils feraient la guerre à leurs ennemis et, quand ils seraient devenus assez forts, ils tueraient les soldats. Entre-temps, la tribu passait l’été et l’automne à aller d’un endroit à l’autre, d’abord en haut des Bighorns et des Wolfs, puis, quand le temps changeait et que la neige couronnait les pics, ils redescendaient dans les plaines. Parfois, ils campaient durant six ou sept sommeils, parfois, durant seulement un
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