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À La Grâce De Marseille

À La Grâce De Marseille

Titel: À La Grâce De Marseille
Autoren: James Welch
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couvertures qui l’enveloppaient et se tourna de nouveau vers la lumière. La mémoire lui revenait.
    Au début, il se rappela seulement les deux femmes qui l’avaient nourri de soupe. Puis il se rappela la pièce. Il n’en avait pas vu grand-chose, car il était resté allongé sur l’un des lits des hommes blancs. C’était une grande pièce haute de plafond éclairée par des globes de verre alimentés par des fils jaunes. Sur le mur en face de lui, il y avait une rangée de grandes fenêtres. Par l’une d’entre elles, il apercevait les branches nues d’un arbre, tandis que les autres n’ouvraient que sur le ciel gris.
    Il se rappela aussi s’être réveillé alors qu’un homme en blouse blanche était penché au-dessus de lui, le visage également couvert d’un masque. Il appliquait un petit objet froid sur sa poitrine sans regarder Charging Elk qui eut cependant le temps de voir de petites pièces métalliques disparaître dans les oreilles de l’inconnu. Pris de peur, il avait fermé les yeux et laissé l’homme toucher son corps à l’aide du disque froid.
    Quand cela s’était-il passé ? Avant ou après la soupe ? Le regard fixé sur la lueur jaune tout au bout de la pièce, il se souvint que, mourant de chaleur, il s’était débarrassé des couvertures, avait tenté de se lever, éprouvant une douleur aiguë au côté, et que deux ou trois hommes blancs l’avaient maintenu. Il se souvint avoir essayé de mordre le plus proche, celui au visage poilu qui, hurlant au-dessus de lui, l’avait alors frappé sur le front. Plus tard, il s’était réveillé. Il était attaché et il avait froid, si froid qu’il claquait des dents et que son corps était pris de tremblements violents. Il allait mourir de froid, aussi sûrement que s’il était passé au travers de la glace d’une rivière gelée. Une fraction de seconde, il avait vu la rivière, un éclair argenté dans les ténèbres, bordée d’arbres dénudés et environnée de collines rousses enneigées. Quand il s’extirpa de la rivière, il faisait jour et il était couché sur un lit dans la grande pièce, le dos et le flanc douloureux à cause des spasmes qui l’avaient secoué.
    Charging Elk contempla un long moment la lumière jaune. Il ne se rappelait rien d’autre car il était incapable de penser. Il fixait la douce clarté du regard comme si c’était celle d’un feu qu’il avait déjà vu, quelque part ailleurs, très loin d’ici.
    Se réveillant de nouveau, il dressa la tête et regarda la lumière grise de l’aube filtrer à travers les fenêtres. Un oiseau piqua, les ailes déployées, et vint se percher sur l’appui de l’une des fenêtres. Charging Elk le reconnut. Il avait déjà vu des oiseaux semblables qui, souvent, trottinaient en compagnie d’autres de la même espèce sur les allées et les pavés des villes où il avait été. Ils dodelinaient de la tête et produisaient d’étranges sons graves qui montaient du fond de leurs gorges. Il se remémora comment, alors qu’un enfant courait derrière eux, ils s’étaient envolés en toute hâte pour décrire un cercle avant de se poser à seulement quelques mètres de là.
    Il avait vu les imposants bâtiments des villes : les maisons qui abritaient tant de monde, les lieux sacrés surmontés de hautes tours où les gens venaient s’agenouiller et réciter leurs chapelets, les grands magasins et les petites boutiques pleines de choses curieuses. Il était entré dans la maison d’un roi meublée de nombreux lits, de fauteuils en or et de tableaux. Un jour, à Paris, il avait accompagné un ami gravement blessé dans une autre maison également remplie de lits.
    Charging Elk comprit alors qu’il se trouvait dans l’une des maisons des malades de l’homme blanc. Il savait qu’il devait y être depuis assez longtemps, mais rien de plus. Quand il se réveillait, il faisait parfois jour, parfois nuit. Il n’avait aucune idée du nombre de sommeils qu’il avait passés ici.
    Il se sentait très faible – et affamé. Il écouta son estomac gronder. Il voulait de la viande et encore du jus d’orange. Et aussi de la soupe. De la soupe de baies sauvages. Il ne se rappelait pas la dernière fois qu’il en avait goûté, ni même s’il s’agissait d’une vraie soupe de baies sauvages. Il savait seulement qu’il avait envie de quelque chose de familier.
    Il entendit au loin un cliquetis, le seul son cristallin au milieu d’un bruit de fond
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