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À La Grâce De Marseille

À La Grâce De Marseille

Titel: À La Grâce De Marseille
Autoren: James Welch
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Prologue
    Au début de la lune-des-chevaux-qui-muent, moins d’une année après la bataille contre les Longs Couteaux sur l’Herbe Grasse, les Indiens arrivèrent en vue du fort de l’homme blanc au fond de la vallée. Plusieurs femmes se mirent alors à pleurer. Les chefs, revêtus de leurs plus beaux atours, chevauchaient en tête des braves. Les femmes, les enfants et les vieillards suivaient, certains à pied, d’autres installés sur les travois au milieu des ballots, des tipis et des ustensiles divers. He Dog, Big Road, Little Big Man et Little Hawk portaient leurs coiffes en plumes d’aigles, leurs vêtements de daim à franges, leurs gants ornés de perles et leurs mocassins décorés de piquants de porc-épic. Leurs visages émaciés étaient peints comme pour la guerre, mais ils n’avaient plus le cœur au combat.
    Les chefs s’arrêtèrent au sommet de la colline. Deux cavaliers venaient vers eux au galop. L’un était un soldat en uniforme bleu ressemblant à ceux que les Indiens avaient pris sur les cadavres dans les collines qui dominent l’Herbe Grasse. Deux des jeunes guerriers portaient encore les tuniques de tissu décoloré par-dessus leurs jambières en lambeaux. Il faisait chaud et les tuniques grattaient sur leur peau nue, mais c’était la seule parure qu’ils possédaient.
    Le deuxième cavalier était un Indien qui avait vu de nombreux hivers, et les chefs le reconnurent tout de suite. Ils avaient chevauché auprès de lui lorsqu’il menait campagne pour la fermeture des forts le long de la Piste Médecine. Il s’appelait Red Cloud et c’était en ce temps-là un grand chef de guerre. Depuis dix ans, devenu un Indien des réserves, il prenait ses ordres des chefs blancs, à l’instar de celui qui se trouvait à ses côtés et qui arborait un grand chapeau blanc. Pourtant, avec ses vêtements de daim impeccables, sa coiffe qui ondoyait jusque sur la croupe de son cheval, son visage d’oiseau de proie maintenant marqué de profondes rides au coin des yeux, il avait l’air aussi digne et puissant que jamais.
    Les cavaliers ralentirent et firent halte à moins de trois pas de la petite colonne. Les deux groupes restèrent un moment à cheval, immobiles. Red Cloud, les yeux fixés droit devant lui, n’adressa pas le moindre signe de reconnaissance aux autres Indiens, alors qu’il avait parcouru les plaines avec nombre d’entre eux, car c’étaient, comme lui, des Oglalas, et il avait été autrefois leur chef.
    Red Cloud finit cependant par porter son regard sur eux et, avec un léger hochement de tête, il déclina leurs noms un à un. Il semblait ainsi non pas les saluer, mais les identifier à l’intention du soldat. Celui-ci écoutait, le visage impassible. Après quoi, Red Cloud se tourna vers un homme qui attendait patiemment sur un petit cheval, juste derrière le groupe des chefs. Mince, les cheveux clairs, nattés et ornés de fourrure, il avait en guise de coiffe une seule plume d’aigle royal. Sa chemise en peau de daim était sale, dépourvue de toute décoration. La carabine à répétition posée en travers de ses genoux n’avait ni clous de cuivre sur la crosse, ni plumes attachées au canon. Son regard était rivé sur l’horizon pâle au-delà de la vallée.
    Lorsque Red Cloud le nomma, le soldat voulut être sûr d’avoir bien entendu. « Crazy Horse », répéta Red Cloud.
    Les chefs des deux groupes échangèrent quelques rapides paroles, mais Crazy Horse, lui, demeura silencieux, manifestant quelque impatience. Pendant qu’ils parlaient, une troupe de soldats à cheval s’approcha des Indiens. Ils ne prononçaient pas un mot, mais on entendait le cliquetis des sabres, le grincement du cuir et le choc sourd des sabots ferrés sur la terre friable. La troupe se sépara en deux. La moitié prit position derrière les Indiens, tandis que l’autre se dirigeait vers les chevaux.
    Un garçon de onze hivers assis sur le bord d’un travois observa les soldats pendant qu’ils rassemblaient les chevaux. C’était un grand troupeau, composé d’au moins mille têtes, et cela dura longtemps. Le garçon les suivit ensuite des yeux alors qu’ils s’éloignaient, rapetissant dans le lointain, puis il baissa le regard sur son petit frère et sa petite sœur blottis contre le ballot des peaux de leur tipi. « Ne pleurez pas, dit-il. Vous êtes des Oglalas. Ne pleurez pas. »
    Le troupeau descendait la colline en direction d’un bois de peupliers au fond
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