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Un espion à la chancellerie

Un espion à la chancellerie

Titel: Un espion à la chancellerie
Autoren: Paul C. Doherty
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Édouard poussa un gémissement en évoquant la façon dont il avait été dupé : un incident avait éclaté, mettant en cause certains châteaux sur la frontière franco-gasconne. En tant que suzerain d’Édouard pour ce qui concernait le duché de Guyenne, Philippe avait exigé que cette province lui fût remise pendant trente jours, le temps de régler le litige. Édouard grinça des dents en repensant à ce qu’il s’était passé ensuite : son cher frère, Edmond, avait obtempéré, invoquant par la suite des lois absurdes pour justifier son acte. Les Français avaient immédiatement occupé le duché, et Philippe IV, ce bandit retors au teint blême, avait refusé de rendre la province que ses troupes avaient investie, telles des vagues brisant une digue. Et les Anglais avaient perdu la Guyenne.
    Édouard s’était amèrement plaint à Philippe, au pape et à d’autres têtes couronnées. Oh ! Ils étaient bien navrés par cette affaire qu’ils considéraient comme une grave violation des droits féodaux d’un vassal, mais Édouard savait qu’ils ne l’aideraient pas et que, derrière leurs déclarations polies et diplomatiques, ils se gaussaient de lui. Pourtant, cela n’avait été que le début de son cauchemar. En effet, ses agents avaient commencé à faire allusion, dans leurs comptes rendus, à un grand et mystérieux projet de Philippe qui aurait consisté à isoler l’Angleterre en frappant en Écosse, au pays de Galles, en Irlande et en Guyenne. Édouard avait fermement imposé son autorité sur le pays de Galles, l’Écosse pouvait être assujettie et la Gascogne reprise, mais si l’inverse se produisait ? Si Philippe s’emparait de toutes ces provinces avant de lancer un assaut général sur l’Angleterre ? Le duc Guillaume de Normandie l’avait bien fait quelque deux cents ans auparavant !
    Le propre grand-père d’Édouard, Jean sans Terre, avait perdu toutes les possessions anglaises du nord de la France et avait dû faire face à une invasion française {5} . L’histoire allait-elle se répéter ? Édouard se rembrunit et fit craquer ses jointures. Il avait commis une grave erreur : il avait sous-estimé Philippe IV, surnommé le Bel. Le roi français avait trompé tout le monde avec sa blonde chevelure, ses yeux bleus au regard franc, sa timidité feinte et son abord d’homme simple et honnête. Édouard savait la vérité, à présent. Philippe avait l’intention de créer un empire qui aurait stupéfié Charlemagne lui-même.
    Le souverain anglais s’assouplit les doigts au- dessus du brasero. Il devait bien y avoir une solution, pensa-t-il. Il renforcerait les garnisons du pays de Galles et enverrait dans le nord une armée qui écraserait les Écossais. Mais Philippe IV ? Édouard soupira. Il s’humilierait devant le pape, baiserait son soulier de satin, placerait l’Angleterre et ses territoires sous sa protection. C’est ainsi qu’avait agi son grand-père Jean sans Terre et il avait obtenu de brillants résultats. Celui qui attaquerait l’Angleterre assaillirait en même temps le Saint-Siège et toute la puissance de l’Église. Édouard eut un petit sourire. Il enverrait des boisseaux d’or à ce vieux gredin de Boniface VIII et lui demanderait d’intervenir et d’arbitrer la situation. Pendant ce temps, il débusquerait les traîtres qui se terraient à Westminster. Mais à qui pouvait-il se fier ? Qui Burnell aurait-il choisi ? Édouard réfléchit et son sourire se mua presque en éclat de rire. Mais bien sûr !... Le roi d’Angleterre avait choisi son homme.
    L’odeur d’encens imprégnait la somptueuse chapelle Sainte-Marie de la cathédrale Notre Dame à Boulogne-sur-Mer. Hugh Corbett, clerc de haut rang à la Chancellerie royale d’Angleterre, était agenouillé devant la statue de la Vierge. Sans être particulièrement pieux, il était d’avis que le Christ miséricordieux et sa Sainte Mère devaient être traités avec la plus grande courtoisie ; il faisait donc ses oraisons lorsqu’il y pensait. Prier ne lui était pas facile, il parlait plutôt, mais Dieu semblait toujours trop occupé pour lui répondre. Il avait allumé un cierge de cire vierge et, agenouillé dans le rond de lumière, s’efforçait désespérément d’accomplir le voeu qu’il s’était imposé lors de cette maudite traversée de la Manche à bord d’un cogghe.
    Ce bâtiment court et profond avait semblé être animé d’une volonté propre et prendre
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