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Un espion à la chancellerie

Un espion à la chancellerie

Titel: Un espion à la chancellerie
Autoren: Paul C. Doherty
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Il avait eu confiance, comme en son propre fils, dans ce benêt au visage rougeaud. Et tout cela pour quoi ? Pour que Richemont, qui avait conduit un corps expéditionnaire en Guyenne, fît prompte reddition ! Édouard regarda les autres : Bohun, comte de Hereford, et Bigod, comte de Norfolk. Dieu du Ciel, quelle jolie paire c’était là !
    Oh ! Il les connaissait bien ! Il savait à quel point ils s’opposaient à ses tentatives pour contrôler le pouvoir des grands barons et comment ils exploitaient à leur avantage et bénéfice les difficultés actuelles avec l’Écosse et la France. En fait, cela ne le gênait pas vraiment, cela faisait des décennies qu’il jouait à ce petit jeu-là ! Mais de la haute trahison ? C’était une autre paire de manches ! Si tel était le cas, leur tête pourrait bien rouler et leur corps être éventré comme celui de n’importe qui ! Pourtant, il lui faudrait les prendre sur le fait et rassembler des preuves irréfutables avant de les envoyer au gibet ! C’est ce qu’exigeraient ses juges : des preuves et non de simples rumeurs de haute trahison.
    Édouard regarda les clercs. Même eux, qui lui devaient tout, ces hommes issus de la paysannerie qui avaient réussi grâce à la chance, leur intelligence et la faveur royale, n’étaient pas au-dessus de tout soupçon. Il jeta un coup d’oeil méfiant à l’un d’eux, Ralph Waterton, un beau jeune homme brun aux yeux souriants et à l’esprit vif. Waterton était compétent, mais les agents d’Édouard l’avaient informé qu’il menait un train de vie somptueux et se permettait un luxe normalement inaccessible à tout clerc de la Chancellerie. Et si les agents eux-mêmes avaient été subornés ? Pouvait-il leur faire confiance ? Quis custodiet custodes ? comme l’avait dit saint Augustin : « Qui gardera les gardes ? » Édouard tournait et retournait ses idées dans son esprit las, comme un roquet court après sa queue. Il s’aperçut soudain que régnait dans la salle un silence de mort. Ses conseillers, ses clercs et les seigneurs l’observaient étrangement. Il comprit qu’il devait abandonner sa feinte.
    — Nobles lords, lança-t-il en dissimulant craintes secrètes et doutes derrière un sourire, il nous faudra trouver une solution à ces problèmes dès notre prochaine réunion.
    Il se tourna vers Waterton.
    — Ralph, lui dit-il d’un ton bienveillant, dites à Sir Thomas que le conseil est fini et faites amener des embarcations au quai du palais.
    Waterton se leva, et la réunion s’acheva ; les grands barons et les officiels de haut rang prirent respectueusement congé et sortirent, soulagés de s’éloigner de l’atmosphère de suspicion qu’avait créée le monarque.
    Il n’y eut bientôt plus personne dans la salle, à part le roi, plongé dans d’amères pensées. On frappa doucement à la porte et Sir Thomas Tuberville, banneret de la Maison royale et capitaine des gardes, s’avança silencieusement.
    — Sir Thomas ?
    Le roi tenait en grande estime cet homme au long visage pâle, combattant redoutable malgré le regard angoissé et craintif que posaient sur le monde ses yeux verts et perçants.
    — Sire, vos conseillers sont partis. Désirez- vous quelque chose ?
    — Non, Thomas, rien ! lui répondit aimablement le roi. Montez la garde ! Ne renvoyez pas vos hommes. Je vais rester encore un peu ici.
    Le banneret salua et repartit en refermant silencieusement la porte.
    Édouard se leva et alla réchauffer ses doigts gourds à l’un des braseros. Tout au fond de son coeur régnait l’inquiétude : Aliénor, sa reine, sa belle madone espagnole, était morte, Burnell, son vieux renard de chancelier, aussi, et le roi ressentait cruellement leur disparition. Il était seul et ne pouvait se fier à personne au moment même où il lui aurait fallu quelqu’un en qui avoir toute confiance. La rébellion enflammait l’Écosse ; son projet secret de l’amener sous la juridiction de la Couronne anglaise était mis en échec par les lords écossais décidés à avoir leur propre souverain, fût-il le diable, plutôt que d’accepter la loi de Westminster. La Guyenne, la riche province anglaise du sud-ouest de la France, était également perdue, prise en un mois par félonie et tromperie.
    Philippe IV de France, petit-fils du pieux Louis IX, pensa lugubrement Édouard, était le prince des menteurs et aurait gagné l’admiration de Belzébuth, roi des menteurs.
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