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Un espion à la chancellerie

Un espion à la chancellerie

Titel: Un espion à la chancellerie
Autoren: Paul C. Doherty
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espion, traîné sur une claie jusqu’au gibet de Montfaucon et attaché, nu, sur une roue tournoyante pendant que des bourreaux en cagoule rouge lui briseraient minutieusement chaque membre avec d’horribles barres de fer dentelées. Il frissonna et déboucha de la ruelle, le poignard en avant. Il se sentait mieux maintenant. Il se trouvait, en effet, au croisement où les autorités municipales faisaient allumer de grands braseros et mettre une énorme chandelle de suif dans une niche, devant la statue du saint patron du quartier. Poer tira quelque réconfort de cette lueur et de cette chaleur, qui, bien que faibles, éloignaient les nappes de brume glaciale.
    Il pivota soudain sur sa gauche en entendant des claquements de bois sur la pierre, mais ce n’était que le cul-de-jatte de la taverne qui émergeait du brouillard et se dirigeait vers lui en geignant et en se traînant sur les pavés. L’agent d’Édouard voulut s’en éloigner et traverser la place, mais les claquements s’accélérèrent et Poer comprit soudain ce qui n’allait pas : le mendiant était sorti quelques secondes avant lui et avait déjà atteint le bout de la ruelle ! Poer eut un moment d’hésitation et se retourna, mais c’était trop tard. Le vieil homme s’était jeté sur lui et lui avait emprisonné les jambes. Poer trébucha, les mains empêtrées dans les plis de sa cape, et tomba, sa tête heurtant les pavés tranchants avec un ignoble bruit mat.
    Le « cul-de-jatte » se dégagea, ses mains s’activèrent fébrilement pour libérer ses jambes des bandes qui les retenaient en arrière et pour débarrasser ses genoux des planchettes. Puis il se redressa. Un seul coup d’oeil à l’homme étendu lui suffit pour savoir qu’il n’avait nul besoin de se hâter ; sa victime n’était pas revenue à elle. Le mendiant siffla doucement ; lui répondit le clip-clop d’un grand destrier noir qui surgit de la brume comme un spectre des portes de l’enfer. Son cavalier, enveloppé d’une sombre cape à capuchon, mit pied à terre et s’approcha de l’homme qui gisait sans connaissance. D’autres silhouettes émergèrent de l’ombre et le rejoignirent pour former un cercle menaçant autour du corps inanimé.
    — Est-il mort ? demanda le cavalier d’une voix sèche dénuée de toute émotion.
    — Non, marmonna le mendiant. Évanoui seulement. Est-ce qu’il devra subir la question ?
    Le chef hocha la tête et reprit les rênes de sa monture :
    — Non ! Cousez-le dans un sac et jetez-le à la Seine !
    — Ce serait miséricorde que de lui trancher la gorge, fit remarquer le mendiant.
    Le chef se mit en selle et tira sauvagement sur les rênes pour faire pivoter son cheval.
    — De la miséricorde ! lança-t-il d’une voix dure. Si tu avais échoué ou s’il t’avait semé, je t’en aurais montré, moi, de la miséricorde ! C’est un espion. Il n’en mérite aucune. Fais ce que je te dis !
    Sur ce, il fit volte-face, et les nappes de brume engloutirent bientôt cheval et cavalier.

CHAPITRE II
    Édouard, roi d’Angleterre et duc d’Aquitaine, était fou de rage. Dans la salle du Conseil, près de la chapelle royale de Westminster, il cédait à un de ces accès de fureur dont il était coutumier. Ses conseillers, étroitement enveloppés dans leurs longs surcots, observaient le récital royal et laissaient passer l’orage : certains étudiaient soigneusement les tentures rouge et or couvrant les murs chaulés, d’autres frappaient doucement de leurs bottes le sol jonché de paille pour chasser l’engourdissement de leurs jambes et de leurs pieds. Il faisait un froid de canard dans la pièce, en dépit des grands braseros de fer alimentés en charbon de bois qu’on y avait apportés. Le vent battait les vantaux des fenêtres aux carreaux de corne, se glissait par les fentes, des courants d’air glacés faisaient vaciller et trembler les flammes des candélabres et l’huile dans les bougeoirs en pierre. Les scribes attendaient, plumes levées au-dessus des épais parchemins poncés et soyeux. Ils savaient que le roi ne voulait pas que fussent transcrites ses imprécations, aussi patientaient-ils, espérant que leurs doigts ne s’engourdiraient pas et que l’encre ne gèlerait pas dans les godets de métal.
    Édouard, lui, ne faisait guère montre d’une telle retenue : à plusieurs reprises, déjà, il avait violemment abattu son poing sur la longue table en bois.
    — Nobles lords,
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