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Un espion à la chancellerie

Un espion à la chancellerie

Titel: Un espion à la chancellerie
Autoren: Paul C. Doherty
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CHAPITRE PREMIER
    Le navire n’avait rien à craindre du vent du nord déchaîné qui cinglait ses flancs et soulevait la houle. Son capitaine, John Ewell, bourgeois de Southampton et marin expérimenté, connaissait bien les parages et percevait instinctivement l’humeur de la tempête. Son vaisseau était un bâtiment robuste, pourvu de plates-formes de combat à la poupe et à la proue pour protéger les archers dans la bataille, d’un mât élevé mais solide, et d’une hune placée bien au-dessus de la voile gonflée, juste au-dessous de l’étendard anglais – la croix de Saint-Georges, rouge sur fond blanc. Ewell avait toute confiance en son voilier au fort tirant d’eau et en son équipage aguerri ; ce n’était pas eux qui l’inquiétaient. Il arpentait le pont, scrutant l’horizon de ses yeux aussi bleus que les glaciers et s’assurant de temps à autre par de rapides coups d’oeil que ses vigies, elles aussi, étaient sur le qui-vive et ne cessaient de surveiller les flots battus par le vent pour voir s’ils n’étaient pas poursuivis.
    Ewell se félicitait. Il avait réussi, il avait pu entrer et sortir subrepticement du port gascon sans rencontrer d’obstacle. Un séjour court, certes, mais suffisant pour prendre possession des petits rouleaux de parchemin scellés dans le sac de cuir qu’il tenait à présent sous clef, dans le coffre cerclé de fer de son étroite cabine. Édouard d’Angleterre {1} le récompenserait royalement pour ce butin : de l’or, des privilèges, peut-être le titre de chevalier. Malgré le vent glacial, cette idée lui réchauffa le coeur, et il lui tarda de rejoindre les eaux plus calmes de la Manche où son bâtiment, le Saint Christopher, trouverait refuge.
    Il était fou de joie en pensant à sa prouesse. Ces damnés Français pouvaient bien avoir envahi le duché anglais de Guyenne, s’être emparés de ses cités, places fortes et châteaux, et avoir mis fin au commerce du vin entre l’Angleterre et Bordeaux, la roue tournerait bientôt. Philippe IV de France {2} s’agenouillerait dans la poussière et demanderait pardon à Édouard d’Angleterre. Ewell s’arrêta, le regard perdu dans le vague : peut-être assisterait-il à cela, lui, le capitaine d’Édouard, le bourgeois de Southampton, le chevalier à qui le roi reconnaissant aurait octroyé terres et titres. Mais soudain sa rêverie fut brutalement interrompue par le cri de la vigie postée en haut du mât.
    — Une voile ! Une voile au sud-est ! Un cogghe, non, deux cogghes !
    Ewell se ressaisit et courut vers le bastingage, mais ne put rien apercevoir à cause des rafales de pluie.
    — Où cela ? Où cela ? cria-t-il.
    — Au sud-est, deux cogghes, bien armés !
    — Quels pavillons arborent-ils ? hurla-t-il, la gorge douloureuse à force de s’égosiller contre le vent.
    — Aucun. Mais deux étendards au mât ! lui répondit-on.
    Ewell espéra que c’étaient des Anglais. « Oh ! Seigneur ! Faites que ce soient des Anglais ! » Il n’était plus temps, à présent, de penser à des terres ou à des titres, mais plutôt à son épouse au visage avenant, à ses filles adolescentes et à son navire bien-aimé qui souffrait dans la tempête. En son for intérieur, pourtant, il savait que c’étaient des vaisseaux français, lancés à sa poursuite comme des lévriers courant sus à un lièvre débusqué. Pouvant à peine le croire, il regarda autour de lui : on avait déployé le moindre pouce carré de voile pour capter le vent, deux marins à la poupe manoeuvraient l’énorme gouvernail, les autres étaient soit en bas, soit dans le gréement, attendant ses directives. En se retournant, il vit le visage blême et tendu de son maître d’équipage et cambusier, Stephen Appleby. Il réprima la panique qui lui étreignait le coeur et le ventre et s’efforça de faire bonne figure.
    — Secoue les hommes, Stephen, lui dit-il posément. Distribue casques, salades {3} , capes, arbalètes et trousses de carreaux.
    Stephen fit une petite grimace et acquiesça d’un signe de tête. Puis il descendit, ses ordres s’entendant à peine dans le rugissement du vent.
    Au bout d’un moment les marins apparurent sur le pont, la démarche hésitante, les traits tirés et harassés, le visage livide. Ils revêtirent leurs broignes et mirent casques et protège-poignets en essayant désespérément de préserver les cordes de leur arbalète de la pluie battante. Au commandement
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