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Un espion à la chancellerie

Un espion à la chancellerie

Titel: Un espion à la chancellerie
Autoren: Paul C. Doherty
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d’Ewell, ils rejoignirent leurs postes, soit sur les plates-formes de combat, soit dans les agrès qui couraient comme des serpents le long du grand mât central.
    Ewell lança d’autres ordres et deux mousses apportèrent du sable et du sel qu’ils répandirent sur le pont glissant tandis qu’un autre s’efforçait d’allumer, sous le mât, un petit brasero couvert, brûlant au charbon de bois. Ewell revint vers le bord et, l’espoir au coeur, scruta l’horizon malgré la pluie. Tout d’abord, il ne vit rien, mais, soudain, en concentrant son attention, il aperçut des masses sombres. Les Français étaient sur eux. Il jura en tentant de dissimuler sa panique. Peut-être pourrait-il les distancer. Mais c’était le petit matin et une longue journée les séparait du retour de l’obscurité. Le capitaine anglais savait, tout au fond de lui-même, que son vaisseau ne leur échapperait pas. Il ne se faisait aucune illusion sur les Français. Ceux-ci n’aimaient guère les marins anglais, et les règles de la chevalerie ne s’appliquaient pas aux batailles en mer.
    Le temps ne se leva pas et, vers midi, les Français avaient gagné du terrain. C’étaient deux cogghes aux dimensions imposantes, des navires marchands reconvertis en bâtiments de guerre ; leurs grandes voiles leur avaient fourni la vitesse nécessaire et assez de temps pour se séparer de façon à prendre le vaisseau anglais en tenaille. Ewell vit les oriflammes bleues à fleurs de lys argentées surmontant le fanion plus sinistre qui indiquait l’intention des Français de ne pas faire de quartier. Les archers grouillaient sur les énormes poupes, les ponts étincelaient d’armures pressées les unes contre les autres, et Ewell vit le fin panache de fumée noire qui trahissait la présence de catapultes. Désespéré, il regarda autour de lui ; il ne pouvait pratiquement rien faire ; se rendre était hors de question, on faisait rarement des prisonniers en mer. Il respira profondément, adressa une prière à sainte Anne et mit son haubert taché de rouille et son casque d’acier cabossé. Les Français refermèrent la tenaille, leurs catapultes envoyant dans les mornes nuées grises de gigantesques boules rougeoyantes de poix embrasée. La première manqua sa cible, mais les Français rajustèrent leur tir rapidement et une grêle de feu s’abattit sur le Saint Christopher.
    La poix s’attacha à la voile, au gréement et au bois, et bientôt jaillit une langue de feu qui grandit et se propagea. L’équipage s’efforça frénétiquement d’étouffer le feu avec le sable et l’eau, mais en vain. D’autres projectiles, énormes masses noires enflammées, touchèrent la voile, la transformant en un rideau de feu, tandis que les vigies, prises au piège dans le gréement, se transformaient en torches humaines qui tombaient sur le pont en hurlant. Ewell ordonna à ses archers de tirer et se retourna juste à temps pour voir un des vaisseaux français aborder le Saint Christopher avec fracas et des flots de soldats envahir le pont. Les arbalétriers anglais abattirent bien quelques ennemis qui pirouettèrent sur eux-mêmes en criant lorsque les redoutables carreaux coniques leur déchirèrent gorge et poitrine, mais les Français étaient décidément trop nombreux. Le second navire aborda, lui aussi, et déversa ses troupes.
    Ewell fit demi-tour, fonçant vers sa cabine pour soustraire aux ennemis le sac en cuir, scellé à la cire, mais une flèche l’atteignit en pleine gorge, et il s’écroula sur le pont. Il pensa pouvoir bouger encore un peu, mais le sang lui emplit la bouche ; il revit alors le visage flou de son épouse et de son aînée, puis sombra dans les ténèbres. Moins d’une heure après, le Saint Christopher était en flammes de la proue à la poupe. Les vaisseaux français s’étaient écartés et leurs équipages regardaient le beaupré s’enfoncer dans les vagues avec son sinistre fardeau, le corps du maître d’équipage encore agité de soubresauts. Stephen Appleby périt de mort lente. Malgré le noeud coulant qui l’étranglait, il eut le temps, dans son agonie, de se demander à nouveau comment les Français avaient bien pu identifier et retrouver leur navire.
    Dans une gargote de la rue Barbette, à Paris, Nicholas Poer se penchait sur son écuelle et, portant à la bouche la cuillère en corne qui ne le quittait jamais, avalait bruyamment un ragoût de poireaux, d’oignons et de mauvaise
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