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Un espion à la chancellerie

Un espion à la chancellerie

Titel: Un espion à la chancellerie
Autoren: Paul C. Doherty
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hurla-t-il, cela pue la trahison, et c’est une odeur pire que celle des égouts !
    — Sire, s’empressa d’intervenir Robert Winchelsea, archevêque de Cantorbéry, dans l’espoir d’apaiser le roi, il semblerait que...
    — Il semblerait, Monseigneur, l’interrompit brutalement Édouard, que je ne puisse pas péter sans que Philippe IV de France le sache !
    Winchelsea acquiesça, partageant entièrement cette impression, sans toutefois approuver la formulation royale. Il décida de garder le silence ; les crises de colère d’Édouard se faisaient de plus en plus fréquentes, la mort de sa bien-aimée reine Aliénor 1 et celle de son chancelier et ami Robert Burnell, évêque de Bath et Wells, avaient déchaîné des forces obscures dans l’âme du roi. Sa chevelure et sa barbe blondes étaient parsemées de blanc, son teint autrefois hâlé était devenu cireux, et des rides profondes s’étaient creusées au coin des lèvres fines et des yeux bleus au regard perçant.
    Winchelsea but un peu de vin épicé et fronça les sourcils : son breuvage était froid. Il s’installa plus confortablement sur sa chaise et souhaita vivement que la fureur du roi se refroidît aussi vite que son vin. Le roi se calma enfin ; assis au haut bout de la table, le dos bien droit sur la grande chaise en chêne sculpté, il crispait ses poings en serrant ses doigts chargés de bagues.
    — Nobles lords, reprit-il lentement en inspirant profondément, il y a un traître parmi nous ! Ici même, à Westminster ! gronda-t-il en frappant la table de son index. Un traître, un espion qui dévoile tout aux Français, nos secrets, nos intentions, nos projets ! Il est fort probable que le Saint Christopher a été arraisonné et coulé, et que l’un de nos agents les plus précieux, un homme que beaucoup ici connaissent, un clerc important de l’Échiquier, Nicholas Poer, a été assassiné à Paris !
    Édouard s’interrompit tandis que l’agitation s’emparait des conseillers qui poussèrent exclamations et jurons et se répandirent en bredouillages confus et en lamentations.
    — Poer, reprit Édouard, a été repêché dans la Seine. On l’avait cousu vivant dans un sac et noyé comme un chat dont on veut se débarrasser. Quelqu’un, quelqu’un d’ici doit avoir renseigné les Français, car Poer était bien trop habile pour être percé à jour et arrêté. Et de même pour le Saint Christopher. Philippe IV – que Dieu le maudisse ! — a dû être averti de sa mission qui consistait à aller chercher les rapports de nos agents en Guyenne. Dieu seul sait ce qui leur est arrivé !
    Édouard parcourut la salle d’un regard éteint, une feinte bien particulière qui lui donnait le temps de peser ses mots et d’étudier les visages de ses conseillers. L’un d’eux était un traître. Mais qui ? Robert Winchelsea, son saint homme d’archevêque de Cantorbéry ? Un prélat ? Édouard ne faisait pas confiance à cet ecclésiastique moralisateur, à cet arriviste superficiel qui prenait toujours le parti des nobles causes. À la gauche du roi se trouvait son frère Edmond, comte de Lancastre. Édouard observa son fin visage pâle encadré par une longue chevelure noire et ressentit un élan de compassion, comme à chaque fois qu’il dévisageait son frère. Celui-ci avait toujours été de santé fragile et avait constamment un air souffreteux avec son bras légèrement atrophié et son épaule droite cruellement déformée. Un accident à la naissance, avait-on dit. Mais Édouard avait eu vent des rumeurs : qu’en fait Edmond aurait été l’aîné des fils d’Henri III, le premier-né que l’on aurait évincé à cause de ses infirmités, la couronne passant à son frère, plus fort et plus acceptable. Mensonges ! Édouard savait la vérité et se demandait souvent s’il en était de même pour son frère. Edmond avait été chargé de gouverner la Guyenne, mais, dupé et roulé, il l’avait tranquillement remise aux Français, faisant de son nom et de la Couronne anglaise la risée de tout l’Occident.
    Puis le roi regarda celui qui siégeait près d’Edmond : Jean de Bretagne, comte de Richemont. « Un sot, lui aussi ! » pensa Édouard. Le comte possédait des terres en France et était parent – éloigné, certes – de Philippe IV. Édouard se demandait souvent si Richemont n’avait pas été soudoyé pour un peu plus que les fameux trente deniers d’argent. Il grinça des dents.
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