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Un espion à la chancellerie

Un espion à la chancellerie

Titel: Un espion à la chancellerie
Autoren: Paul C. Doherty
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devant une commission spéciale des Prisons. Il avait confessé tous ses crimes et la sentence avait été rendue par le Chef Juge Roger de Brabazon, le juge principal du Banc du Roi. Mais le souverain avait tenu parole : la sentence avait été commuée en simple pendaison. Contrairement à ce qu’avait subi récemment le prince gallois David, Tuberville n’aurait pas à souffrir la déchéance d’être éventré, brûlé, décapité et écartelé.
    Après le procès, Tuberville avait été enfermé à la Tour et, tôt en cette sombre matinée d’octobre, avait été amené à Westminster, monté sur une haridelle, les pieds liés sous le ventre de la bête, les mains attachées devant lui. Six bourreaux l’accompagnaient, déguisés en démons. L’un d’eux tenait la longe du cheval, un autre la corde qui pendrait le chevalier et les autres le couvraient de quolibets et d’invectives. Tuberville, en grande tenue de chevalier, avait d’abord été conduit à Westminster Hall pour y entendre lecture de son jugement et devait, à présent, être dégradé avant l’exécution de la sentence.
    Juste devant le grand portail de Westminster Hall, on avait érigé une estrade où siégeaient les juges ; près d’eux, souillé de poix et de crottin, l’écu de Tuberville était suspendu à l’envers à un poteau grossièrement taillé.
    Il y eut une sonnerie stridente de trompettes. Le grand portail s’ouvrit ; encadré par les hérauts, Tuberville sortit, revêtu de son armure et portant ses ordres de chevalerie. Des prêtres prirent place de chaque côté de l’estrade en entonnant la prière des morts. À la fin de chaque verset, les hérauts, en commençant par le casque, lui ôtaient une pièce d’armure. À la fin il ne fut plus revêtu que d’un pagne. Son écu renversé fut alors décroché et brisé en trois morceaux et un bol d’eau croupie mêlée à de l’urine animale lui fut vidé sur la tête.
    Le cérémonial achevé, la foule laissa échapper un long soupir, puis lança pierres et insultes au condamné, pendant que les bourreaux se mettaient à l’oeuvre. Tuberville fut jeté au sol et ligoté sur des peaux de boeuf cousues ensemble, que six chevaux allaient traîner de Westminster à la grande canalisation de Cheapside puis jusqu’au gibet des Elms à Smithfield. Corbett se réjouissait de ce que le roi n’eût pas décrété la confiscation de ses biens, car ainsi les fils du chevalier seraient autorisés à hériter du domaine et ne souffriraient pas pour les péchés de leur père. Cela le réconfortait d’autant plus que Tuberville avait accepté, avec une tranquille dignité, toutes les insultes et indignités dont il était l’objet. Il fut lié sur les peaux de boeuf, le corps déjà meurtri et blessé par les pierres ; puis Corbett ferma les yeux quand le bourreau frappa la croupe d’un des chevaux, et que la macabre procession, précédée des bourreaux, s’ébranla en direction du lieu de l’exécution, suivie par une foule hurlante et amusée.
    Corbett savait comment cela finirait. Il regarda le ciel qui s’assombrissait, les nuages qui accouraient sur la Tamise. Tuberville serait traîné à la potence et pendu jusqu’à ce que mort s’ensuive. Son corps serait alors bardé de chaînes et exposé dans quelque lieu public, en guise d’avertissement pour tous ceux que tenterait le crime de haute trahison. Corbett n’avait pas en lui assez de cruauté pour se délecter du spectacle de son agonie. Il préféra faire demi-tour, se réjouissant à la pensée que Maeve serait bientôt à Londres. Son oncle devait venir personnellement dans la capitale pour faire la paix avec le roi. Il avait écrit à ce dernier qu’il serait en Angleterre pour la Toussaint, au début de novembre. Maeve l’accompagnerait. Corbett récita doucement un Miserere pour l’âme de Tuberville qui s’envolerait bientôt vers Dieu. Puis il pria aussi pour lui-même, pour que Maeve pût faire fondre l’hiver de son coeur.
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