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Un espion à la chancellerie

Un espion à la chancellerie

Titel: Un espion à la chancellerie
Autoren: Paul C. Doherty
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plongée dans la pénombre. Il était venu prier, et voilà qu’il complotait la mort de son prochain ! Il entendit un bruit au fond de l’église et se leva avec lassitude. Ranulf devait l’attendre : il fit une génuflexion devant la veilleuse tremblotante et solitaire de l’autel avant de remonter sans hâte la nef. Il respirait profondément, lentement ; il voulait rester calme, mais il était pourtant certain que quelqu’un, dans l’ombre de l’église, l’épiait.

CHAPITRE III
    Le lendemain, les envoyés anglais, suffisamment remis de leur éprouvante traversée, se préparaient au départ : ils longeraient la côte jusqu’à la Somme et continueraient ensuite vers le sud, vers Paris. Ils avaient amené d’Angleterre leurs chevaux et leurs bagages, tout un lourd train d’équipage qui était au service non seulement des comtes de Richemont et de Lancastre, mais aussi des clercs, des scribes, des cuisiniers, des courriers, des baillis, des prêtres et des médecins. Toute distinction apparente de rang et de statut avait été effacée par le froid mordant et la bise sifflante qui obligeaient chacun à s’emmitoufler dans une épaisse cape brune.
    Pour l’instant, le chaos habituel régnait dans la cour du petit monastère où ils avaient logé à la sortie du port : on sellait et on soignait les montures, deux chevaux avaient besoin d’un maréchal-ferrant, un troisième boitait, un autre avait des plaies sur le dos ; on vérifiait sangles, brides et étriers et on réparait ceux qui étaient brisés ou endommagés ; on chargeait bruyamment vêtements, manuscrits et autres paquets à côté des provisions acquises à prix d’or auprès de marchands retors. Cris, jurons, ordres stridents, hennissements irrités des chevaux nerveux et excités rompaient la sérénité de la cour abbatiale. Quelques chiens errants étaient entrés pour prendre part à la cohue et ajouter à la confusion, mais avaient été chassés par le bâton d’un frère lai furieux.
    Assis sur un banc délabré, dans un coin de la cour, Corbett observait ce tohu-bohu, l’air maussade. Les clameurs et les imprécations auraient pu couvrir les hurlements des damnés de l’Enfer. Corbett regarda l’immense tympan sculpté au-dessus de l’entrée de l’église abbatiale : gravés sur la pierre pour l’éternité, des damnés pendaient, attachés par leurs entrailles, à des arbres de feu tandis que d’autres étouffaient dans la fournaise, la main crispée sur la bouche, leurs yeux de pierre à jamais écarquillés derrière les panaches de fumée. Le Christ du Jugement dernier tenait en sa main les âmes des bienheureux tandis que les méchants étaient engloutis par un poisson monstrueux, dévorés par les démons ou tourmentés par des serpents, du feu, de la glace et par la vue de fruits suspendus pour toujours hors de portée de leurs bouches affamées. Corbett se dit tristement que ce genre de tortures n’était rien, comparé au fait d’être expédié en ambassade en France et de devoir traverser la Manche en hiver par un temps glacial.
    — Messire !
    Le clerc poussa un gémissement et se leva en voyant son serviteur Ranulf se frayer un chemin dans la foule, sa tignasse rousse surmontant, tel un fanal, son pâle visage anxieux. Corbett avait sauvé Ranulf de la potence quelque dix ans auparavant {7} , et, à présent, ce dernier était devenu le fidèle serviteur et le compagnon du clerc, du moins superficiellement, car Corbett savait que Ranulf-atte-Newgate était prodigieusement habile à tirer avantage de tout au détriment d’autrui, y compris de Corbett. Il était capable de mentir, tricher et trahir avec une ingéniosité qui ne cessait de stupéfier et d’amuser le clerc, et quant aux assiduités dont il poursuivait les femmes mariées, elles l’amèneraient — Corbett en était intimement convaincu – à une fin violente et soudaine.
    Pour l’instant, Ranulf jouait le rôle du serviteur soucieux et empressé dans l’espoir sournois de déranger son maître par trop compassé et secret.
    — C’est Blaskett ! s’écria-t-il à bout de souffle. Il dit que nous allons partir bientôt et demande si vos bagages ont été chargés.
    Blaskett était le sénéchal du comte de Lancastre ; fier comme un paon et très imbu de sa personne, il aimait l’autorité et ses pompes comme d’autres aiment l’or.
    — Nos bagages sont-ils chargés, Ranulf ? demanda
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