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Un espion à la chancellerie

Un espion à la chancellerie

Titel: Un espion à la chancellerie
Autoren: Paul C. Doherty
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Corbett.
    — Oui.
    — Sommes-nous prêts à nous en aller ?
    — Oui.
    — Alors, pourquoi ne pas le dire à Messire Blaskett ?
    Ranulf écarquilla les yeux comme un homme qui vient de se voir confier un grand secret ; puis il fit volte-face en hochant la tête et retourna dans les bâtiments du monastère, l’air affairé : il allait se faire un malin plaisir de continuer à narguer cet esbroufeur de Blaskett.
    La petite troupe anglaise quitta le monastère au moment où les cloches carillonnaient pour l’office de tierce. L’escorte française les attendait au portail. Un héraut de la cour de Philippe IV, superbement vêtu de noir et d’écarlate, était accompagné de trois simples clercs, de deux chevaliers arborant, sur leur haubert, une cotte d’armes armoriée d’or et d’azur, couleurs de la Maison royale de France, ainsi que d’un certain nombre d’hommes d’armes à cheval, des vétérans endurcis qui portaient des broignes de cuir bouilli ou des hauberts d’acier et d’épaisses jambières de serge enfoncées dans de grosses bottes. Sous le regard attentif de Corbett, Lancastre et Richemont s’entretinrent et échangèrent des documents avec les chevaliers français, puis le convoi s’ébranla, encadré tout du long par l’escorte à cheval.
    L’hiver n’avait pas encore desserré son étau sur la terre brune et le plat pays du nord de la France. De robustes paysans au chapeau de feutre rabattu sur les yeux s’étaient enveloppés dans des capes roussâtres, relevées à la taille par leur ceinture, et s’affairaient à briser les mottes de terre, en vue des semis. Derrière eux, leurs familles, y compris femmes et petits enfants, travaillaient à répandre fumier, marne et chaux pour fertiliser le sol. Aux yeux de Corbett, qui avait été témoin des ravages de la guerre pendant les campagnes d’Édouard dans les marches du pays de Galles, la contrée semblait relativement prospère. Il se souvint néanmoins de la remarque de Jacques de Vitry : « Ce que le manant gagne en une année de travail acharné, le seigneur le dévore en une heure. » Ici la justice était plus rude, les seigneurs dans leurs manoirs de pierre ou de bois, entourés de murailles et de douves, avaient des pouvoirs judiciaires plus étendus qu’en Angleterre, et chaque carrefour s’ornait d’un gibet ou d’un pilori.
    Les villages n’étaient guère plus qu’un ensemble de chaumières avec, chacune, son petit jardin bordé d’une haie ou d’un fossé peu profond, mais ce fut le grand nombre de villes qui frappa Corbett : certaines étaient anciennes, d’autres ne dataient que de quelques décennies, mais toutes étaient cernées de remparts, les maisons se blottissaient autour d’une abbaye, d’une cathédrale ou d’une église. Les Anglais s’arrêtaient parfois dans l’une de ces cités, telles que Noyon ou Beauvais, là où se trouvait quelque prieuré accueillant ou une auberge assez spacieuse pour les loger. D’autres fois, c’étaient des manoirs, royaux ou autres, qui devaient leur offrir l’hospitalité : les chevaliers français brandissaient leurs mandats de réquisition, et les malheureux seigneurs ou sénéchaux se voyaient contraints de fournir l’abri et le couvert aux envoyés et à leur suite. Néanmoins, malgré cette hospitalité, Corbett et ses compagnons se sentaient tenus à l’écart par l’escorte qui les traitait avec un mélange de désinvolture et de froideur. Corbett ne s’en étonnait pas ; la France et l’Angleterre observaient une trêve armée, et tout indiquait qu’elles replongeraient dans la guerre avant longtemps.
    Il se lassa vite des innombrables tâches quotidiennes et des problèmes inhérents au voyage qui faisaient la joie d’hommes tels que Blaskett. Conversations, commérages, détails insignifiants, qui siégeait où, qui devait combien à qui, tout cela auréolait de gloire le moindre participant à une ambassade en France. Le clerc savait que plus d’un collègue aurait bondi sur une occasion pareille et en aurait tiré le plus grand avantage, oubliant les plaies dues au frottement de la selle, les auberges infestées de rats, la viande avariée et la piquette qui donnait la diarrhée et transformait le trajet en véritable cauchemar. La compagnie des grands ne lui apportait aucun réconfort : Lancastre était mesquin, taciturne et amer ; Bretagne, imbu de sa personne, s’efforçait d’oublier sa récente expédition
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