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Si je meurs au combat

Si je meurs au combat

Titel: Si je meurs au combat
Autoren: Tim OBrien
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tout autour du lac pour voir le coin une dernière fois. Le parc de Sunset, avec ses tables de pique-nique, sa petite plage, son abri à bois marron, ses gentilles petites familles en train de nager. L’école des Enfants invalides. Le parc de Slater, encore des enfants. Une longue lignée de maisons à deux niveaux peintes de toutes les couleurs.
    Pendant que je faisais le tour du lac de la ville, la guerre et moi-même avions l’air d’être devenus des frères jumeaux. Des jumeaux greffés l’un à l’autre, condamnés à passer leur existence ensemble, comme si une séparation pouvait les tuer tous les deux.
    Cette pensée m’a rendu malade.
    Dans la cave, chez nous, j’ai trouvé des morceaux de carton et de papier. Avec un panache diabolique, j’y ai écrit toutes sortes d’obscénités et déclaré ouvertement que je ne voulais pas être mêlé à ce qui se passait au Viêtnam. Avec une méchanceté jouissive, un désir secret, j’affirmais que la guerre était maléfique, que le comité de conscription était maléfique, et que la ville était elle aussi maléfique dans la mesure où elle acceptait tout cela d’un air léthargique. Pendant tout ce temps, alors que je faisais mes pancartes et que j’essayais de faire mon choix, je ne me trouvais plus en ville. J’étais devenu hors la loi, et tout le monde, de mes vieilles connaissances à mes amours, en passant par les membres de ma famille, s’est fait anéantir par ce bon vieux crayon que je tenais en main. Je m’imaginais en train de faire les cent pas sur le trottoir qui se trouvait devant la gare routière, le bus attendait et le chauffeur donnait de gros coups de klaxon, le photographe du Daily Globe essayait de me forcer à rejoindre le groupe des autres appelés, le téléphone n’arrêtait plus de sonner, j’en avais la tête qui bourdonnait.
    Sur le carton, mes coups de crayon gras, d’un rouge vif, avaient l’air féroce. Les mots que j’avais utilisés étaient clairs, sans équivoque, ils brûlaient à la manière d’une musique à la fois défiante, criminelle et blasphématoire. J’ai essayé de les lire à voix haute.
    Plus tard dans la soirée, j’ai déchiré toutes mes pancartes en mille morceaux, j’ai mis tous les bouts dans la poubelle, dehors, et je l’ai refermée en faisant claquer le couvercle en fer gris et en enfermant bien tous ces messages à l’intérieur. Je suis alors retourné dans la cave. J’ai remis les crayons dans leur boîte, les mêmes crayons gras que j’avais utilisés il y avait de ça un bon bout de temps pour gribouiller en rouge et vert sur mes bottes de cow-boy Roy Rogers.
    Je n’avais jamais eu l’esprit contestataire, si ce n’est de manière abstraite. Il est vrai que j’avais exprimé mes opinions sur la guerre, dans le journal du lycée, en essayant de montrer pourquoi cela me semblait être une erreur. Mais en règle générale je me contentais d’écouter.
    — Aucune guerre ne vaut la peine que l’on perde la vie à cause d’elle, répétait l’une de mes connaissances, à la fac. Ce n’est pas une question d’ordre moral. C’est une question d’efficacité : quelle est la manière la plus efficace de rester en vie lorsque ton pays est en guerre ? Telle est la question.
    D’autres étudiants rétorquaient alors qu’aucune guerre ne vaut la peine qu’on perde son pays à cause d’elle, et quand on leur demandait leur point de vue sur la question de savoir ce qu’il faut faire lorsqu’un pays déclare une guerre qui n’est pas juste, ils se contentaient de hausser les épaules.
    La plupart de mes copains de fac parvenaient à y échapper, et je ne les en blâme pas. Ils demandaient des reports pour ceci ou pour cela. Des lettres de médecins ou d’aumôniers. Il était difficile de tomber sur quelqu’un qui osât vraiment creuser en profondeur. Les avis provenaient de deux directions principales : celle des pacifistes convaincus et celle des vétérans des guerres étrangères.
    Mais aucun de ces deux camps n’avait grand-chose à proposer. Ce n’était pas une question de paix, comme le disaient les pacifistes, mais plutôt la question de savoir quand il fallait et quand il ne fallait pas se joindre aux autres pour faire la guerre. Et il ne s’agissait pas simplement d’écouter un ancien lieutenant-colonel parler de servir son pays pour la bonne cause, non, il s’agissait de savoir s’il fallait ou non servir son pays quand on pensait que la
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