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Si je meurs au combat

Si je meurs au combat

Titel: Si je meurs au combat
Autoren: Tim OBrien
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guerre n’était pas juste.
    Le 13 août, je me suis rendu à la gare routière. Un photographe du Daily Globe de Worthington m’a pris, en photo, devant une barrière en bois, en compagnie de quatre autres appelés.
    Puis le bus nous a conduits à travers les champs de maïs, dans des petites bourgades qui se trouvaient sur la route – Lismore, Rushmore, Adrian –, où d’autres recrues sont venues se joindre à nous. Au fond du bus, les gros durs buvaient de la bière et gueulaient comme des malades, ils brandissaient leurs canettes vides et se traitaient d’« espèce de racaille », de « gros débutant », de « bidasse », et c’est donc dans ce vacarme et ces adieux passionnés qu’on a pris la route de Sioux Falls. On a passé la nuit dans une auberge de jeunesse. Je suis sorti, tout seul, me boire une bière, et je l’ai bue à une table isolée. Ensuite, je me suis acheté un bouquin que je suis allé lire dans ma chambre.
    Vers midi, le jour d’après, on avait tous la main levée, même les gros durs. On récitait tout ça à la lettre, certains haut et fort, d’autres d’un air un peu perplexe. On était dans une salle très éclairée, avec un sol en bois. Un drapeau donnait à la pièce les bonnes couleurs et il y avait de la fumée dans l’air. On a dit les mots, et c’est comme ça qu’on est devenu des soldats.
    Je n’ai jamais été trop bagarreur. J’avais peur des brutes de service. Leurs gros muscles me foutaient la rage : une rage pleine de frustration. Mais ce n’est pas pour autant que je m’inclinais devant qui que ce soit. Je me plaçais très haut par rapport à ceux que je jugeais comme étant mes inférieurs. Et par-dessus le marché, il y avait les grandes questions de conscience, de conviction, qui n’étaient pas encore tout à fait définies, pas très profondes, mais qui étaient tout de même des questions très importantes : j’étais un gauchiste confirmé, pas un pacifiste ; mais je me serais bien rendu aux urnes pour mettre un point final à la guerre du Viêtnam sur-le-champ, j’aurais voté pour Eugène McCarthy, en espérant le voir déclarer la paix. Je n’étais pas fait pour être soldat, ça, c’était clair.
    Mais je me soumettais. Toute mon histoire personnelle, toutes mes conversations nocturnes, mes livres, mes croyances, tout ce que j’avais appris s’est retrouvé ébranlé à cause de mon abstention, tout a disparu parce que j’avais baissé les bras, parce que je n’avais plus assez d’oxygène, parce que ces défaillances avaient fait de moi une sorte de somnambule. Ce qui m’a expédié à la guerre ne provenait ni d’une décision, ni d’une suite logique d’idées, ni de raisons précises.
    Il s’agissait au contraire d’un renoncement intellectuel et physique, et je n’avais pas l’énergie de voir tout ce que cela impliquait vraiment. Je ne voulais pas être soldat, pas même un simple témoin de cette guerre. Mais je ne voulais pas non plus chambouler l’équilibre si particulier qui existait entre le cadre dans lequel ma vie s’était ordonnée, entre les gens que je connaissais et mon propre petit monde. Non que je tinsse cet univers en grande estime. Mais je craignais son opposé : l’inévitable chaos, la censure, la honte, la fin de tout ce dont j’avais pu faire l’expérience, la fin de tout ça.
    Et ce renoncement n’a pas disparu. Si seulement ce livre pouvait prendre la forme d’un plaidoyer pour une paix éternelle, un plaidoyer écrit par une personne qui sait de quoi elle parle, par une personne qui était sur le terrain et qui est revenue, un vieux soldat qui repense à une guerre en train de mourir !
    Ça serait bien. Ça serait bien de pouvoir tout intégrer afin de persuader mes plus jeunes frères, et peut-être aussi d’autres personnes, de dire non à la guerre et à toute forme de combat.
    Ça serait aussi pas mal si je pouvais confirmer les drôles d’idées qu’on se fait de la guerre : c’est ignoble, mais c’est aussi un creuset d’hommes et d’événements en tous genres et, au bout du compte, tous ces trucs font de toi un homme.
    Mais malgré tout, rien de tout ça ne semble exact. Les hommes se font tuer, les êtres humains morts sont lourds et difficiles à porter, les odeurs sont différentes au Viêtnam, les soldats ont la trouille et font bien souvent preuve de courage, les sergents instructeurs sont des brutes, certaines personnes pensent que la guerre est
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