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Si je meurs au combat

Si je meurs au combat

Titel: Si je meurs au combat
Autoren: Tim OBrien
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juste, d’autres pas, et la plupart n’en ont rien à faire. Est-ce avec ce genre de choses que l’on fait un cours de morale, ou peut-être un thème de réflexion ?
    Peut-on tirer des conclusions d’un rêve ? Les cauchemars ont-ils un thème ? Au réveil, les analyse-t-on avant de reprendre la petite routine et de donner des conseils aux autres ? Le simple troufion peut il enseigner un truc qui compte à propos de la guerre, tout ça parce qu’il y était ? Je ne le crois pas. En revanche, il peut raconter des histoires de guerre.

IV

NUITS
    — Planquez-vous ! hurle le lieutenant.
    On plonge dans un trou. Je suis le premier à l’intérieur, avec la terre qui me protège le bide. Le lieutenant et d’autres gars me suivent et s’empilent sur mon dos.
    Des grenades explosent dans tout le périmètre, et puis quelques coups de fusil.
    — Ouah ! Comme un sandwich, je fais. Bougez surtout pas.
    — Ouais, on est juste bons à servir de sac de sable pour O’Brien, déconne Mark le Cinglé en levant la tête pour voir les obus péter.
    — Faut bien protéger notre gentil petit étudiant, ajoute Barney, blotti sur mes pieds.
    Ça ne dure pas longtemps.
    Une fois que les coups de feu se calment, un soldat aux cheveux blonds vient nous rejoindre en courant comme un malade.
    — Bordel, je me suis pris un gros éclat de grenade dans la main.
    Il suce la blessure. Ça n’a pas l’air trop grave.
    Mark le Cinglé examine sa coupure à la lumière de sa lampe de poche.
    — Tu crois que ça va te tuer avant le lever du jour ?
    — Nan, je pense pas. Mais je crois bien que je me suis pas fait vacciner contre le tétanos. Bon Dieu, ces piqûres pour le tétanos, elles font un mal de chien, non ? J’ai pas envie d’une putain de piqûre pour le tétanos.
    En fin de compte, on apprend que les bombardements, c’était pas des vrais bombardements. Le blondinet et quelques autres gars s’emmerdaient. S’emmerdaient du matin au soir. S’emmerdaient, cette nuit-là. Alors ils ont synchronisé leurs montres, choisi une certaine heure, se sont mis d’accord pour balancer des grenades à l’extérieur de notre petit périmètre à vingt-deux heures précises, et à vingt-deux heures, ils l’ont fait, ils ont mis en scène leur bataille. Ils ont gueulé, poussé des cris aigus, tiré des coups de feu, jeté des grenades, et ils se sont bien amusés, ils ont fait du bruit, ils ont foutu une trouille mortelle à tout le monde. Un truc dont on pourrait parler le lendemain matin.
    — Une super-prise de bec, disent-ils, le jour d’après, d’un air sournois.
    — Super ?
    J’arrive pas à y croire.
    — Ben, tu vois bien. Un peu d’action, ça nous refout un peu la gouache, pas vrai ? Ça nous chauffe un peu le sang.
    — T’es dingue ou quoi ?
    — Complètement barge, ouais.
    — T’aimes bien te faire tirer dessus, bon Dieu ? T’aimes bien ça, quand les Charlies essaient de bazarder une grenade dans ton trou ? T’aimes bien ce genre de conneries ?
    — Il y en a qui ont capté le délire, d’autres pas. Moi, je suis complètement barge.
    — Le laisse pas te raconter de conneries, fait Chip. Tout ce truc d’hier soir, c’était un coup monté. C’est eux qui ont monté la baraque de A à Z.
    — Sauf pour la vieille Tête de Navet qui s’est ramassé un éclat de sa propre grenade, continue Bates. Ça, ils l’avaient pas prévu au programme.
    La section se dissémine dans une grande rizière et Bates marche à côté de moi.
    — Tête de Navet, il a balancé sa grenade, mais elle a tapé dans un arbre et elle lui est revenue dessus. Il a eu du bol de pas se faire exploser la tronche.
    Chip, un soldat pas très grand, tout maigre, un Noir qui vient d’Orlando, en Floride, secoue la tête :
    — Moi, je prends pas ce genre de risques. T’as raison, ils sont dingues.
    On continue à marcher. T’avances la jambe gauche, tu plantes le pied, bloques le genou, arques la cheville. Tu fais avancer ta jambe dans la rizière, colonne vertébrale bien raide. Tu laisses la guerre se reposer un instant, là, tout en haut de la jambe gauche : le sac à dos, la radio, les grenades, les chargeurs de balles dorées, le fusil, le casque en acier, les plaques d’identité qui font des cliquetis, la graisse, l’eau et la viande, nos propres corps, tout le contingent des artefacts et de la chair de guerrier. Que tout cela reste bien perché tout là-haut et se balance tranquillement
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