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Romandie

Romandie

Titel: Romandie
Autoren: Maurice Denuzière
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alors que l’empereur était conduit à
Sainte-Hélène, Soult écrivit, reniant une nouvelle fois son bienfaiteur :
« L’armée entière sait bien que je n’eus jamais qu’à me plaindre de cet
homme et nul ne le déteste plus franchement que moi [9] . »
    — Et dire qu’il fut des nôtres ! pesta Fontsalte.
    — Mais rassure-toi, Louis-Philippe l’a nommé président
du Conseil pour se concilier les tièdes bonapartistes prébendiers qu’il croit
influents. Soult n’est qu’une potiche. Les vrais maîtres du gouvernement sont
Guizot et Thiers.
    — Il y a quelques jours, la Gazette de Lausanne attribuait
le pouvoir à l’inusable Talleyrand, dit Fontsalte.
    Il tira d’une pile de journaux, posée sur un guéridon, celui
qu’il évoquait, retrouva l’article cité et lut :
    — « Depuis son retour à Paris, M. de Talleyrand
est redevenu l’âme de la politique du cabinet. Sans assister aux conseils des
ministres, qui se tiennent presque tous les jours, M. de Talleyrand y
conserve une voix délibérative et prépondérante. Pendant toute la durée de ces
conseils, des messagers parcourent continuellement l’espace entre les Tuileries
et la rue Saint-Florentin [10] ,
portant des questions et rapportant des réponses [11] . »
    — Mais les avis de Thiers, ministre de l’Agriculture et
du Commerce, sont écoutés, crois-moi, reprit Claude. N’oublie pas que c’est
avec la bénédiction de l’évêque Talleyrand, à jamais in partibus, et
l’aide du banquier Laffitte, que Thiers a tendu à Louis-Philippe la couronne
que Charles X avait laissé tomber ! reprit Ribeyre.
    — Dans la banque genevoise, on dit, en effet, que M. Adolphe
Thiers est un grand ministre, dit Pierre-Antoine Laviron qui, pénétrant dans le
salon, venait d’entendre le propos du général.
    — Un grand ministre ? Un mètre cinquante-cinq… Les
gens bienveillants l’appellent le Petit Poucet, les méchants, comme Soult, le
nomment foutriquet ! Mais c’est un homme intelligent et sachant naviguer, à
la Cour comme à la Chambre et dans les salons. Il est entré à l’Académie en
juin. Et tiens, ajouta Ribeyre, se tournant vivement vers Axel qui suivait en silence
la conversation, il s’est marié le même jour que toi et Chantenoz. Le 6 novembre
dernier ! On dit même qu’il a épousé trois femmes d’un coup !
    — Comment ça ? firent en chœur M. Laviron et
Axel.
    — Il a, lui aussi, épousé une Élise, qui n’est pas
fille de pasteur comme la belle M me  Métaz mais fille de sa
maîtresse, M me  Dosne. Une petite de quinze ans, à qui le pieux
Adolphe a fait faire sa première communion avant de la mettre dans son lit !
    — Ça n’en fait que deux, risqua le banquier Laviron, toujours
précis.
    — Élise, cher monsieur, a une sœur aînée, Félicie, dont
les mauvaises langues disent qu’elle est, comme sa mère, dévouée, âme… et corps,
au grand homme, précisa Ribeyre avec un clin d’œil.
    — Quelle santé, ce Français ! commenta Laviron.
    — Quel esprit de famille, surtout, et quelle
organisation ! renchérit Ribeyre. Savez-vous que cet avocat sans cause, devenu
journaliste, et qui doit sa réussite au fait qu’il sut, en juillet 1830, convaincre
le duc d’Orléans de se faire un peu républicain pour devenir roi, n’a cessé, depuis
qu’il a été élu député des Bouches-du-Rhône, en octobre 1830, de se rapprocher
du pouvoir. Certains le nomment déjà Adolphe I er  ! Et, attention,
sans négliger ses petites affaires ! Cette M me  Dosne qui, dit-on,
lui avança les mille francs de caution pour sa candidature de député, est l’épouse
d’un agent de change, devenu bâtisseur d’immeubles, Alexis-André Dosne, associé
à un notaire et à deux financiers. Ce sont des gens qui savent mettre leurs
relations à contribution quand il s’agit d’éluder les entraves administratives.
M. Thiers, devenu ministre, a pu acquérir pour cent mille francs, payables…
à tempérament… à M me  Dosne – admirez la franchise de la formule –
un hôtel particulier construit par ces messieurs, 3, place Saint-Georges. Peu
après cette honnête transaction immobilière, M. Dosne a été nommé receveur
général à Brest. C’est une bonne sinécure, pour un mari accommodant dont la
femme est restée à Paris, afin de remplir, auprès d’un ministre plein d’avenir,
la fonction, très prenante, d’égérie !
    — Heureusement, nous avons vu
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