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Romandie

Romandie

Titel: Romandie
Autoren: Maurice Denuzière
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ses visiteurs avaient voulu entourer l’audience sollicitée trois
jours plus tôt. « Pour ne pas le compromettre », avaient fait dire
ces derniers par leur messager, un imprimeur lausannois, sympathisant actif des
révolutionnaires italiens réfugiés en Suisse.
    Blaise de Fontsalte, dont la haute taille, la forte carrure,
la toison grise et drue, la moustache et, surtout, le regard vairon, pouvaient
impressionner ceux qui le voyaient pour la première fois, n’avait pas eu à
faire de frais de toilette pour accueillir ses visiteurs nocturnes. Son
éducation et son grade lui interdisaient, même dans l’intimité, tout ajustement
négligé.
    Veste d’intérieur de velours grenat, large cravate de soie
blanche, pantalon noir à sous-pied d’où émergeaient de fines bottes lustrées :
telle était sa tenue habituelle quand, la maisonnée endormie, il rédigeait, tard
dans la nuit, ses souvenirs du Consulat et de l’Empire. Parfois, son ami de
toujours, Claude Ribeyre de Béran, comme lui ancien des Affaires secrètes, le
rejoignait à Beauregard. Les deux généraux rassemblaient en commun, sans pour autant
envisager publication, ce qu’ils entendaient révéler de leurs activités passées
au service de la France et du génie mort à Sainte-Hélène.
    Fontsalte, aristocrate forézien, chaleureux, pugnace, dénué
de morgue, tenait de ses ancêtres, Arvernes et Ségusiaves, une robuste
constitution physique alliée à l’esprit vieux gaulois et à la sensibilité
pastorale d’un héros de l’Astrée. Il coulait maintenant, dans le paisible décor
lacustre du pays de Vaud, l’existence heureuse et quiète d’un retraité des
combats. L’âge avait calmé sa fougue guerrière mais, pour avoir adhéré très
jeune, comme son défunt père, héros de la guerre d’indépendance américaine, aux
principes de la Révolution française, il était toujours prêt à soutenir les
hommes en lutte pour la liberté de leur patrie, la défense de leur foi ou de
leur dignité.
    Les visiteurs appartenaient à cette catégorie. Le plus grand
et plus âgé, un bel homme aux cheveux blancs, joues creuses, yeux de porcelaine
bleue, ôta prestement la longue cape de berger qui l’emmitouflait et apparut en
uniforme, kourtka blanche et pantalon cramoisi. Avant même d’avoir vu la double
épaulette sur l’habit à plastron et basques courtes, Blaise de Fontsalte avait
identifié un officier du 1 er  régiment des chevau-légers
lanciers polonais, dits lanciers rouges de la Garde impériale. Ces volontaires,
intégrés par Napoléon à sa propre Garde, s’étaient vaillamment battus, notamment
à Wagram, en 1809. L’officier rectifia la position et se présenta :
    — Comte Stanislas Golewski, autrefois colonel-major au 1 er  lanciers
de la Garde.
    Blaise lui serra chaleureusement la main.
    — Colonel, il ne vous manque que la chapka à coiffe
carrée et plumet de héron, que vous devez porter fort crânement.
    — Je vous prie d’excuser mon simple bonnet de police. La
haute coiffe eût manqué de discrétion, général.
    — Mais je vois là l’emblème de la Confédération de Bar [2] ajouta Blaise en
désignant de l’index la croix de Malte en argent, agrafée sur la poitrine de l’officier.
    — Nous sommes fidèles aux décisions de notre Diète de
1768, général, et nous comptons bien retrouver un jour l’indépendance nationale
qui nous a été promise, commenta le Polonais, enchanté de se trouver en
présence d’un homme qui connaissait la tragique histoire de son pays.
    Le second visiteur était un civil vaudois : un membre
de la municipalité de Nyon qui avait tenu à accompagner le comte Golewski.
    — Permettez-moi de laisser parler le colonel et d’ajouter
simplement que nous sommes, à Nyon, un certain nombre de municipaux et de
citoyens prêts à soutenir le projet qu’il va vous soumettre, dit le Vaudois.
    Blaise fit asseoir les deux hommes et leur servit un verre
de marc.
    — Ça ne vaut pas votre vodka parfumée à l’herbe de
bison, colonel, mais ça réchauffe, dit-il avec un sourire en s’adossant dans
son fauteuil.
    Le Polonais vida son verre d’un trait, ce qui impressionna
son compagnon, puis il prit aussitôt la parole :
    — Général, je suis habilité à vous révéler, sous le
sceau du secret, cela va sans dire, un projet mis au point par un étranger à
notre communauté polonaise mais qui intéresse au premier chef les quelque cinq
cents militaires polonais
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