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Romandie

Romandie

Titel: Romandie
Autoren: Maurice Denuzière
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opposés jusque-là à leurs invitations.
    — C’est si dur, chère Charlotte, les fêtes sans eux, soupira
M me  Laviron.
    — La fidèle affection et toutes les attentions dont
nous entoure votre fils Axel, lors de ses séjours à Genève, sont notre unique
consolation, général, ajouta le banquier.
    — Nous vous considérons comme de la famille, votre
tristesse est nôtre mais nos joies doivent être vôtres… maintenant, dit Charlotte
en embrassant Anaïs Laviron qui essuya une larme.
    Au dessert apparurent les cadeaux échangés dans un grand
froissement de papier et d’exclamations, cris de surprise réelle ou feinte. Les
dames reçurent des pièces de soierie, des châles, des réticules au petit point.
Avec plus de cérémonie, Flora offrit à Blaise un presse-papiers en bronze
représentant le chapeau de Napoléon. Ce bibelot, qualifié de séditieux par la
police de Louis-Philippe, avait été acheté, à Paris, chez un antiquaire de la
rue Saint-Jacques. Claude Ribeyre de Béran avait, lui, apporté, pour l’offrir à
son ami Blaise, une relique plus précieuse encore : une timbale en argent
poli, pièce d’un nécessaire de campagne de Napoléon. Claude se l’était procurée
auprès d’un des grognards désargentés qui fréquentaient le café Lamblin, proche
du Palais-Royal.
    — Ah ! ils souffrent nos demi-solde, de vendre les
reliques de leur gloire ! Ainsi, l’ancien grenadier de la Garde qui m’a
cédé, larmes aux yeux, cette timbale, m’a indiqué sa provenance. Il montait la
garde devant la tente impériale, dressée dans l’île de Lobau, non loin d’Aspern,
par une chaude nuit de juillet 1809, quand l’empereur lui fit porter par
Roustan une rasade de rhum coupée d’eau glacée. Napoléon lui fit dire de
conserver la timbale en souvenir.
    Blaise, ému, caressa de l’index la gravure au chiffre
impérial et remercia Claude, tandis que les invités observaient un silence
respectueux et que Trévotte se penchait sans façon sur l’épaule du général pour
admirer ce petit vase d’argent dans lequel l’empereur, autrefois, avait bu.
    — Servez-moi un peu de champagne dans cette coupe
historique, adjudant Trévotte, que je boive à la mémoire de l’empereur, ordonna
Blaise.
    On applaudit ce geste.
    — Sais-tu, dit Ribeyre, que les pauvres propriétaires
de telles reliques ne les cèdent qu’à ceux qui restent fidèles au souvenir de l’empereur,
ces « purs bonapartistes » dont un certain Leclère a osé écrire dans
ses Pensées politiques qu’ils « n’existent plus que pour mémoire » !
    Un hou ! hou ! général ponctua cette déclaration
et l’échange des cadeaux reprit. Plus tard, les dames s’étant retirées dans le
boudoir de Charlotte et les hommes réunis dans le petit salon pour fumer leur
cigare, on entendit, soudain, monter de l’office le son grinçant et nerveux d’un
violon et les voix de Lazlo et Trévotte, mêlées à celles, plus fluettes, des
femmes de chambre. Des claquements de main rythmaient un air tantôt nonchalant,
tantôt endiablé. Ni ce chant sans paroles, composé de sons mêlés, ni la musique
n’avaient rien de vaudois. C’était un air d’abord lent puis débridé, simple et
joyeux, un air de fête tsigane. Un air qui rappelait à Axel une soirée, autour
d’un feu de camp, dans les Carpates Blanches, sur la route de Koriska.
    — Qu’est-ce qui se passe à l’office ? Quel est ce
vacarme ? dit Charlotte, surgissant dans le fumoir.
    Axel intervint aussitôt.
    — Lazlo aura appris aux autres une csardas de son pays…
C’est une danse tsigane. N’est-ce pas entraînant ? dit-il.
    — Il faut leur dire de venir ici nous régaler de leur
chant. J’aime cette musique, à la fois vive et mélancolique. Je l’ai entendue
autrefois, en Hongrie, dit Fontsalte, avec un regard vers Axel, de qui il imaginait
les sentiments.
    — Eh bien, qu’ils montent tous ! C’est peut-être
ainsi que les bohémiens célèbrent l’An neuf, consentit Charlotte.
    Lazlo ne se fit pas prier et, bien qu’un peu confuses de se
donner en spectacle avec le Tsigane et Trévotte, les femmes de chambre
répétèrent le chant récemment appris. Bientôt, toute l’assemblée, emportée par
le rythme fougueux qu’imposait le violon de Lazlo, se mit à battre des mains en
mesure. Charlotte, fine oreille, débarrassée par l’approbation de Blaise de réticences
qu’elle jugeait aristocratiques, se mit au piano. Elle
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